Mignolet, dans l'ombre de Courtois Il y a 6 ans, à quelques jours près, Simon Mignolet faisait ses débuts en équipe nationale contre l’Autriche. Ce mardi soir face à la Russie, il pourra à nouveau "profiter" de la blessure de Thibaut Courtois pour rejouer. Mais avec 5 années de plus que Courtois, Mignolet n’aura sans doute jamais un statut de numéro un chez les Diables.

Thibault DREZE

DES DÉBUTS EN TANT QUE JOUEUR DE CHAMP

Né à Saint-Trond, il s'affilie au VV Brustem à l’âge de six ans, où il joue gardien uniquement lorsqu'il n'y a personne d’autres pour le faire. Après un passage à Tongres, il part à Saint-Trond où il joue partout sauf dans les cages. Sa croissance est trop rapide et il a des problèmes de dos. "Le matin, il pouvait à peine sortir du lit", raconte son père au Sport Foot Magazine, lui-même ancien gardien. "Pour l'assouplir, je l'ai inscrit à un entraînement de gardiens au Sporting Aalst-Brustem. Après la première séance, l'entraîneur, Rudi Vanrusselt, a dit qu'il pouvait revenir quand il voulait." Trop léger pour les Trudonnaires il ne cherche pas longtemps son club suivant puisque Aalst-Brustem cherche justement un gardien. Rudi Vanrusselt se charge de le former: "Je me déplaçais avec un tuyau en plastique. Chaque fois que je passais près de lui, Simon devait sauter pour l'éviter, sans quoi il le prenait dans les chevilles. Ses jambes étaient couvertes de bleus mais ça a marché". Saint-Trond revient à la charge malgré leur désintérêt passé, le père de Simon n’est pas enthousiaste mais Mignolet adore Saint-Trond. Grâce à ce retour et ses bons matches avec les jeunes, Mignolet y devient international U17, U18, U19 et U21.

Malgré l'intérêt d’autres clubs, il souhaite rester dans un environnement qu'il connaît et associer le foot avec des études de sciences politiques et sociales à la KUL. Fait rare dans le football pro, ce qui lui vaut une image de footballeur intello.

Le tremplin vers Sunderland

Après un 0 sur 21, Franck Boeckx est écarté. "Simon a senti que sa chance était là" raconte Poll Peters, le coach des gardiens. "À l'entraînement, pendant 20 minutes, il a tout arrêté. J'ai dit à Peter Voets que c'était le moment de le lancer. Il n'était pas convaincu et m'a dit que c'était ma responsabilité. Mais j'étais sûr de moi." C’est le début de la belle aventure avec les pros à Saint-Trond.

En 2009, Mignolet connaît le titre en D2 (avec un but marqué face à Eupen !) et la montée vers l’élite. La saison suivante il va révéler son talent et sera élu meilleur gardien du championnat de Belgique, aidant Saint-Trond à terminer 4e à l’issue de la phase classique et à participer aux play-off 1. Une saison pleine en D1 qui suffira à attirer les clubs étrangers. Sunderland vient frapper à la porte des Limbourgeois et Mignolet file à l’anglaise pour 2,5 millions d’euros, à 21 ans seulement.

À l’époque, il n’y a pas de réel numéro un indiscutable chez les Diables. Gillet et Bailly se disputent la place en n’étant jamais irréprochable et pas à l’abri d’une bourde. Mignolet se profile donc comme le gardien du futur chez les Diables, mais déjà à l’époque un jeune gardien de 18 ans fait parler de lui...

Numéro un pendant 509 jours

Ce statut de numéro un, Simon Mignolet l’a pourtant connu. 509 jours: entre son premier match avec les Diables contre l’Autriche, le 25 mars 2011 (à Sunderland depuis l’été 2010) et le 15 août 2012 avec le match contre les Pays-Bas, qui servira de déclencheur au renouveau belge. Entre ces deux dates, il dispute 10 matches (dont 8 d’affilée), 6 officiels et 4 amicaux. Sur ces 10 parties, il encaisse 7 buts.

Vint alors ce déclic face aux Pays-Bas. Pour ce match Courtois, qui vient de terminer sa première année avec succès à l’Atlético Madrid, en remportant l’Europa League, est titulaire pour la troisième fois (3 amicaux). À 20 à peine, Courtois devient, après ce match, le numéro un des Diables.

Alors que Mignolet avait été un pion important chez les Espoirs, Courtois n’est même pas passé par cette case et s’est installé directement comme gardien numéro un du pays. Cette saison 2012-2013 sera aussi la dernière de Mignolet à Sunderland. Il joue 38 matches sur 38 et attire l’attention des clubs huppés d’Angleterre.

Arrivée à Liverpool et chamailleries avec Courtois

"Je suis ravi que nous ayons pu attirer l’un des meilleurs gardiens de but de la Premier League. Simon rejoindra un club qui pourra lui donner l’opportunité de démontrer son grand talent et de progresser" déclarait à l’époque Brendan Rodgers, le manager de Liverpool. Après avoir été meilleur gardien de D1 belge, et un des plus remarqué en Angleterre, Mignolet rejoint un tout gros club et se dit alors qu’il pourra entrer en concurrence avec Courtois, pour de vrai. Annoncé comme le numéro deux à son arrivée, il prendra directement la place de Pepe Reina puisque l’Espagnol part à Naples lors du même mercato. Première victoire pour Simon.

Cette confiance, Mignolet l’affiche haut et fort. En février 2014, en pleine forme avec les Reds, il évoque logiquement son avenir chez les Diables et se voit bien calife à la place du calife. Quelques jours plus tard, c’est un Courtois vexé qui lui répond via la presse. "Il faut savoir rester humble et respectueux, lançait Courtois. Si quelqu’un affirme qu’il a été injustement écarté du but des Diables rouges, je le vois comme une attaque. En outre, cela montre que vous n’acceptez pas le choix de l’entraîneur et que vous ne montrez pas de respect pour l’actuel numéro 1. Je comprends très bien qu’il a l’ambition de grandir jusqu’à devenir le numéro 1 dans le but belge, mais il doit montrer du respect pour celui qui joue à cette place. Voilà ce que je dis". Mignolet a raison d’être frustré, depuis le 2 juin 2012 et son dernier match avec les Diables face à l'Angleterre, il ne dispute que 4 matches amicaux (dont trois défaites).

"Pire que Dracula"

Le temps passe du côté de la Mersey et Mignolet s’effrite, son statut est remis en cause et les critiques commencent à fuser. Le gardien alterne les bourdes et les matches de feu. Liverpool ne peut pas se permettre d’avoir un keep si irrégulier. Bruce Grobbelaar, ancien gardien des Reds, ne mâchait pas ses mots: "Mignolet est pire que Dracula, je dis ça car au moins Dracula sort de son cercueil parfois. Il est planté sur sa ligne et ne fait aucune sortie alors que ce sont des phases essentielles pour un gardien." Il passera même quelques rencontres sur le banc. Mais cela n’a pas découragé Mignolet qui reste positif: "J'ai voulu me servir de cette période comme remplaçant pour me calmer, me reposer et revenir plus fort. Et c'est exactement ce qui s'est produit".

Cette année-là, Liverpool termine à une cruelle deuxième place et laisse filer le titre à Chelsea. En juin de cette année 2015 Mignolet se marie et ironise : "Cela fait déjà 10 ans que Jasmien et moi sommes en couple. Elle, je ne vais pas la laisser glisser entre mes mains. Pour ça je n’ai pas besoin de gants".

Cinq ans plus tard: premier match officiel

En octobre 2015, Mignolet n’a plus disputé la moindre minute avec les Diables depuis l’amical face au Japon (défaite 2-3) en novembre 2013, une éternité. À ce moment-là, Courtois est blessé et Mignolet passe donc de numéro deux à numéro un et dispute un match officiel pour la première fois depuis le 11 octobre 2011. Un creux de cinq longues années. Il joue les deux matchs qualificatifs à Andorre (1-4) et contre Israël (3-1)."A chaque entraînement des Diables, j'étais là, j'étais prêt à jouer. Tu ne sais jamais ce qu'il peut se passer, déclare-t-il à l’époque. Au dernier moment, il peut y avoir une petite blessure, ou une maladie. Si tu es dans le noyau, tu dois toujours être prêt à jouer." Wilmots se félicitait également du comportement de son numéro deux: "Simon a toujours été très professionnel. Ce n'était pas facile pour lui d'être deuxième gardien. Mais chapeau pour sa manière de travailler, son engagement professionnel et le plaisir qu'il témoigne au sein du groupe".

Il jouera aussi le match amical face à l’Italie (3-1) un mois plus tard. "S'il y a un homme à sortir dans l'histoire de la rencontre, c'est Simon Mignolet. Il a été là à chaque moment-clé : quand les Italiens dominaient, quand les Italiens ont contre-attaqué. Il a été important, pas dans un seul chapitre, mais dans tout le livre, dans toute l'histoire de la rencontre. Cela va poser un problème de luxe à Marc Wilmots quand Thibaut Courtois sera à nouveau disponible": les propos d’Alex Teklak à l’issue de la rencontre avaient un goût d’optimisme, mais la réalité est autre et Mignolet ne jouera plus avec les Diables avant un an.

Duel avec Karius et âge de raison.

Les rendez-vous "Diaboliques" se suivent et se ressemblent pour Mignolet. Il sera de la partie à l’Euro en France mais devra se contenter de regarder ses coéquipiers du banc. On connaît la fin, la Belgique est sortie par les Gallois, Wilmots quittera le navire dans les semaines suivantes. Nouveau coach, mais même hiérarchie. Comment donner tort à Martinez ? Courtois a toujours été impeccable avec les Diables, mais aussi en club. Pour Mignolet c’est différent. Cet été-là, Klopp décide de recruter son compatriote Loris Karius et d’en faire son numéro un. On se dirige vers la fin de l’histoire entre Liverpool et Mignolet, qui ne se montre toujours pas plus régulier. Mais Karius se blesse à la main et l’échéance est retardée. À son retour, l’Allemand occupe les cages pendant dix rencontres de championnat de suite, jusqu'à mi-décembre. L’Allemand n’est pas plus rassurant que le Belge, ses erreurs coûtent cher. Même les fans réclament le retour du Trudonnaire. Mignolet, fairplay, estime que "les critiques font partie du travail et vous devez être fort mentalement. J’ai bientôt 29 ans et j’ai appris à faire face, je suis passé par là aussi. Mais vous apprenez à devenir plus fort surtout dans un club comme Liverpool. Nous avons tous un passage à vide et nous devons nous soutenir. Nous sommes coéquipiers". En effet, Mignolet connaît très bien cette situation pour l’avoir vécue à maintes reprises. Depuis cet épisode, Karius n’a pas rejoué une rencontre de championnat et s’est contenté des matches de Coupe. Le sort réservé aux … numéros deux. Simon sort vainqueur d’un duel dans lequel il ne partait pas favori, preuve d’une ténacité et d’un mental exemplaire.

Entre-temps, Mignolet refait son apparition avec la vareuse noir jaune rouge face aux Pays-Bas en novembre dernier.

"Dans le monde sportif, tout le monde veut jouer, et tout le monde veut être numéro 1. Je ne crois pas qu'il existe un sportif qui veut être numéro 2"

Ce soir face à la Russie, il aura de nouveau l’occasion de jouer en équipe nationale. Pour un amical et parce que Courtois est blessé. Mais à 29 ans, Mignolet aura sans doute à coeur de prouver que, s’il n’est pas numéro un et ne le sera sans doute jamais, il mérite d’être chaque fois appelé en équipe nationale et peu importe si c’est pour vivre dans l’ombre de Courtois et finir à la pire place sur le podium.

Texte : Thibaut Drèze | Photos : Belga - Reporters

Credits:

Belga, Reporters

Report Abuse

If you feel that this video content violates the Adobe Terms of Use, you may report this content by filling out this quick form.

To report a Copyright Violation, please follow Section 17 in the Terms of Use.