Pousser la porte du Mediterraneo, c’est presque entrer en Italie. Un non voyant s’y tromperait. L’accent chantant, le débit rapide de cette langue latine si proche du français et pourtant incompréhensible. Une inscription aux cours d’italien de l’association Ciao Réunion pourrait permettre de saisir le sens général, à condition d’être assidu, et qu’ils ne parlent pas le Napo-litain, tout compte fait. Le patron est en effet de Salerne, et il y retourne régulièrement. A la carte : des pizze (oui, on dit une pizza, des pizze) et des pâtes, évidemment, mais aussi d’autres spécialités moins connues du grand public comme le carpaccio de poulpe et émulsion au citron, les Cappel-leti (pâtes fraîches farcies), et l’incroyable Fritto misto, une friture de calamar, crevettes et éperlans avec des légumes croustillants.
Les pâtes, une entrée
«Il y a «des» cuisines italiennes, explique Béatrice Legoix, de l’association Ciao Réunion, les pâtes et les pizzas sont des plats internationaux mais la cuisine italienne est très régionaliste. En fonction des régions les pâtes sont accompagnées d’ingrédients divers comme l’encre de sèche, les palourdes de Venise, la polenta du nord. Même la pizza diffère selon les régions : la « blanche » de Rome, sans tomate, la pizza frite de Naples.» Celle qu’on mange dans la rue et qu’affectionne Tiziana Aldieri, patronne de la société Madame de Bourbon.
De son côté, Gerardo Coppola, du Mediterraneo, nous explique que les pâtes n’ont jamais été un accompagnement, mais plutôt une sorte d’entrée. Un menu classique italien prévoit un antipasto, (légumes, charcuteries, fromages, et aromates) des pâtes, puis le poisson ou la viande. Des pâtes qui se mangent normalement Al dente (ferme), mais l’homme n’est pas sectaire. «Certains clients se sont plaints que nos pâtes n’étaient pas cuites, dit-il, amusé, ce n’est pas grave, nous nous adaptons. Attention, s’adapter ne veut pas dire bouleverser». «N’oublions pas que l’Italie est un jeune Pays unifié, précise Térésa Sainrimat, du «Grande Italia», chaque région a sa petite culture. Si les ingrédients sont les mêmes partout sur la Méditerrannée, chacun a sa manière de les préparer, de les cuire. Dans le Sud de l’Italie, par exemple, l’ail et le persil sont les ingrédients de 95% des plats !». Des plats souvent tout simples comme des pâtes avec des oignons, de l’ail et des Pepperoncini (poivron doux italien). Des plats qui ont parfois plus de succès à l’étranger qu’en Italie, avec des changements de recette qui désolent même le tolérant Gérardo, à l’exemple des pâtes carbonara, dont nous vous livrons la vraie recette ci-dessous, dictée par Alessandro Lampis, chef de cuisine et grand mufti de la pizza. La cuisine italienne, riche, goûteuse, n’a pas fini de nous surprendre. Buon appetito !
Nicola Bertani, vice-consul d’Italie : à la croisée des cultures
Nicola Bertani est né à Milan, d’un père italien et d’une mère française. Il fait ses études supérieures en Italie, puis en France. Diplômé de la Sorbonne, il est titulaire d’un Master en gestion de patrimoine. Son parcours professionnel passe par un cabinet d’études de marché et de conseil. Son domaine : audit d’entreprises et formation de dirigeants. Marié à une Réunionnaise, il atterrit à La Réunion en 2010. L’année suivante, il fonde «Ciao Réunion», point d’ancrage et de partage pour les italiens présents sur l’île. En 2016, il est nommé Vice-consul honoraire d’Italie à La Réunion, suite au départ à la retraite de son prédécesseur. Sa mission : assister et orienter ses compatriotes pour le renouvellement ou l’acquisition de leurs documents d’identité et pour toutes les démarches administratives classiques, qui sont maintenant effectuées en ligne ou par courrier avec le Consulat Général d’Italie à Paris.
«Environ 1200 italiens vivent à la Réunion, estime Nicola Bertani, sachant que 450 environ passent par le consulat, car certains sont naturalisés français, ou sont seulement de passage quelques années dans des fonctions publiques ou privées, puis repartent ensuite, sans avoir recours à mes services.
Des italiens venus chez nous depuis longtemps. «Il y a eu les Piémontais qui ont bâti le tunnel de la route du littoral et le chemin de fer, ajoute Le Vice-consul (sujet du livre de Jocelyne Le Bleis «Des fenêtres sur l’océan»). Comme en métropole aux mêmes périodes, l’île a accueilli de nombreux artisans italiens du bâtiment, mais il y maintenant tout corps de métiers représentés : services, industrie, privé comme public, avec - il est vrai - de nombreux entrepreneurs, spécialement dans la restauration.» L’Italie de NIcola…«J’ai ce souvenir des ruelles de la vieille Rome, du bruit des scooter VESPA omniprésents, dans les places centrales de Bologne, de Parme ou de Vérone, avec l’espresso e la pasta alla crema, partagée le matin au comptoir par tous les travailleurs, les échanges principalement autour de l’actualité et du Foot, cette vie sociale d’avant Facebook, mais aussi les groupes de jeunes le samedi soir en pizzeria. Côté paysage, la Toscane et le Veneto sont des régions splendides, il y a des plages et des criques dans le Sud qui feraient pâlir nos îles. Bien sûr, des souvenirs culinaires restent gravés : la mozzarelle trecciata (tressée à la main) de Bari, les panini e piadine allo stracchino e Rucola de Bologne, les glaces...partout extraordinaires, surtout sur le lac de Garde (près de Vérone) en regardant les bateaux RIVA passer entre les voiliers, sur les vieux ports. Finalement, le vivre ensemble, la cuisine artisanale et le soleil de la Réunion sont de vrais points communs entre nos deux cultures.»
Les vraies pâtes carbonara
« Les pâtes carbonara est une recette très emblématique en France et à l’étranger, assure Alessandro Lampis, Mais elle est souvent maltraitée. Pour la réaliser, Je conseille de choisir des ingrédients de qualité : des pâtes artisanales surtout, faites de blé dur, des oeufs frais dont on n’utilise que les jaunes, montés en sabayon, pour une texture crémeuse. Je travaille le sabayon à 65° pour éviter les problèmes de bactéries potentiels, liés à l’œuf. On y adjoint du Pecorino Romano (fromage traditionnel de lait entier de brebis), du parmesan et de la graisse de Guanciale. (Joue de porc que Madame de Bourbon s’active à faire venir en collaboration avec « La Bonne viande », à Saint-Leu.) Pour l’obtenir, on fait dorer la Guanciale coupée en dés ». Ce sabayon salé servira à assaisonner les pâtes. Et surtout pas de crème, comme on peut le voir sur internet. «Mais ça existe, rit Gérardo Coppola, on appelle ça des pâtes à la crème !»
Tiziana et Alessandro, pour l’amour de La Réunion
Alessandro et Tiziana se sont connus en Grèce en été 2012. Elle faisait la fête, lui finissait son service de chef. La suite est cousue de fil rose. Tiziana est napolitaine. Elle commence sa carrière dans la mode à Milan, puis prend la voie de la finance à la Deutsch Bank. En parallèle, elle dessine des sacs à main pour un artisan milanais. « La situation financière était difficile. J’avais envie de partir. J’avais toujours rêvé de vivre sur une île tropicale. Quand Alessandro m’a fait part de son projet de venir à La Réunion, j’ai dit oui. » Aujourd’hui Tiziana tient les cordons de la bourse de Madame de Bourbon, société qui exporte des épices réunionnaises vers l’Italie. Des chefs italiens reconnus en dont devenus fous, notamment Isabella Poti, jeune pâtissière tout nouvellement étoilée Michelin qui « kiffe » le galabé de Payet & Rivière. Des «box» a destination des particuliers sont aussi au programme. « Nous sommes tout de suite tombés amoureux de La Réunion, confie Alessandro, nous sommes donc restés. » Ce dernier est né à Turin. Il y poursuit des études dans la restauration et fait la connaissance d’un chef qui l’incite à voyager pour apprendre le métier. Allemagne, Grèce, Inde et Japon comptent parmi ses expériences importantes, particulièrement le Japon où la cuisine minimaliste, esthétique et rigoureuse l’ont marqué.
« Je suis arrivé à La Réunion en 2013. Tout ces produits inconnus et ses saveurs nouvelles me faisaient me sentir comme un gamin à Disney Land. La même année j’ai fais connaissance de Thierry Gourreau, qui organisait son premier championnat de pizzas.» Le couple s’installe à Piton-Saint-Leu. Un an s’écoule. Le chef italien rejoint Christian Virassamy au Choka Bleu. Un épisode enrichissant, puisqu’il touche à une cuisine « métro-créole » contemporaine différente de celle qu’il pratique habituellement. Il y restera trois ans. En 2016, avec la team « Mamzelle pizza » de Thierry Gourreau, Alessandro part pour le championnat de pizzas d’Australie, qui voit la victoire de la pizza « Métis », mélange des produits italiens et réunionnais. La collaboration continue et « Mamzelle Pizza » fait des petits. Le dernier en date verra le jour à la Saline-les-bains, près de la poste, dans une ancienne boutique chinois. « Ce sera un nouveau concept, un Mamzelle pizza 2.0 ».
L’Italie de Tiziana... c’est d’abord la mer et la chaleur. « Naples est une ville sur la mer et sur une terre de volcans. » dit-elle. C’est aussi la pizza capriciosa (jambon, artichaud, champignon…) et la pizza « frita » qu’on mange dans la rue. « Le Napolitain est inventif, créatif. Il arrive toujours à trouver des solutions aux problèmes » raconte-t-elle. Alessandro sourit et confirme ce côté rebelle qui n’est pas sans nous faire penser à la Corse.
Madame de Bourbon : une vitrine pour La Réunion
La société Madame de Bourbon exporte les produits de qualité issus du terroir réunionnais vers l’Italie. Thé de Grand Coude, épices et galabé sont expédiés à quelques chefs italiens qui en sont devenus fous. « Je suis très gourmande. J’aime goûter à tout et connaître les histoires des produits et des terroirs. Avec Alessandro nous avons fait le tour de l’île et nous avons découvert sa richesse. Je me suis alors demandée comment cela se faisait que les produits de cette île française, dont certains sont distribués en métropole, n’arrivent pas dans les autres pays européens. »
Forte de ce constat, Tiziana décide de se mettre à son compte dans le but de faire découvrir et de vendre à ses compatriotes les épices de notre île.
« Par rapport à d’autres pays producteurs, La Réunion offre l’avantage de la traçabilité. Chaque producteur a une histoire à raconter, un message à faire passer. J’ai très vite vu qu’il y a fait un projet marketing intéressant à monter » commente la jeune femme. « Madame de Bourbon met en avant le côté éthique de sa démarche. Nos clients sont assurés qu’en amont, il n’y a pas d’enfants exploités par exemple » ajoute Alessandro.
La qualité a un goût, et un coût. D’autant que Madame de Bourbon ne cherche pas forcément la quantité. Certains chefs et pâtissiers italiens renommés sont effet friands de rareté, qu’ils mettent en avant auprès de leur clientèle.
« Nous sommes sur un marché ciblé et premium, précise Alessandro. Les épices de La Réunion sont plébiscitées par nos clients, parmi lesquels on compte Isabella Poti, jeune pâtissière tout nouvellement étoilée Michelin qui « kiffe » le galabé de Payet & Rivière. La société développe également les box à destination des particuliers, le consulting auprès des professionnels locaux, et l’importation de produits italiens, avec la même philosophie : faire travailler les petits producteurs.
Gerardo Coppola, 100% italien
Gerardo Coppola, est né à Salerne, ville portuaire du sud de l’Italie située à une cinquantaine de kilomètres de Naples, sur la mer Tyrrhénienne bordée par la Corse et la Sardaigne à l’Est et par la Sicile au sud. Fils de restaurateur, Gerardo y grandit, et poursuit des études hôtelières pendant cinq ans. Il entame sa carrière dans un établissement de la côte amalfitaine, destination touristique prisée pour ses falaises abruptes et ses villages de pêcheurs, entre Salerne et l’île de Capri. Puis le jeune Gerardo s’envole pour l’Angleterre où il est embauché dans le groupe Accord. Il y fait connaissance d’un collègue qui avait travaillé au Novotel de Saint-Gilles. « Avec un autre ami, il projetait de retourner à La Réunion. Il m’a demandé si je voulais les suivre. Un peu, que je veux les suivre ! Ça s’est fait comme ça. » raconte-t-il
« C’était en 1992. Ils avaient déjà du travail sur place, pour l’ouverture du Saint-Alexis. Moi pas. Mon français était très mauvais. J’ai commencé comme serveur en extra au Novotel, puis à l’Archipel, qui venait d’ouvrir.» Il monte en grade, et l’expérience dure deux ans. Gerardo, qui a maîtrisé le français en six mois, passe à l’Iloha. En 2000, le jeune homme débarque au Swalibo à La Saline, où il gère l’hébergement et la commercialisation. Puis il devient formateur dans l’hôtellerie-restauration, et prestataire de services notamment pour les hôtels de la famille Wolff. « J’avais l’idée de monter un restaurant 100% italien. Je voulais le faire dans l’Ouest, mais un ami qui avait un restaurant en difficulté à Saint-Denis m’a proposé de reprendre l’affaire. »
Gerardo connaît le marché. Fort de ses 20 ans d’expérience et de ses liens toujours étroits avec sa région d’origine, il concrétise son idée, et va jusqu’au bout de celle-ci : il recrute son personnel en Italie, et choisit d’importer lui-même les produits italiens, dont le vin. « Seuls les fruits et légumes frais sont achetés localement. Nous travaillons avec des gros producteurs et aussi des petits, pour les tomates pelées, l’huile d’olive et la farine. Le fromage et la charcuterie (Mozzarella et Buratta), pour des raisons de logistique, passent par des fournisseurs locaux qui s’approvisionnent à Rungis, »
Deux mois de travaux plus tard, le four à pizza est installé et le Mediterraneo ouvre ses portes. La carte se met en place au fur et à mesure. Rédigée en italien, certamente, et traduite en français, naturalmente, elle fait la part belle aux pizzas, mais inclut également des plats typiques de l’Italie du Sud, sans oublier l’escalope de veau milanaise et l’ossobuco. Le Mediterraneo devient un petit bout de la « botte » au coeur de Saint-Denis, comme si on débarquait dans un film italien, avec toujours une romance quelque part.
L’Italie de Gerardo... «Je suis Italien à 100%. Je suis du Sud, mon Italie c’est les odeurs de tomates, d’huile d’olive. avec la mozzarella ce sont nos produits phare. Evidemment, les pâtes et la pizza, qui est née dans notre région. Mon Italie c’est aussi la Méditerranée, les ruelles, les petits restaurants en bord de mer, la cuisine casareccia (familiale) avec des produits artisanaux, les crevettes, les gambas, les palourdes, les poulpes... Mon italie c’est notre dialecte du Sud, que nous parlons entre nous, comme les Réunionnais parlent créole.»
Fabrizio Franco : l’Italie, Mamma mia !
Fabrizio Franco est du genre discret. Dans son épicerie italienne, «Mamma mia», au-dessus de la technopole à Sainte-Clotilde, il propose aux clients près de 800 références pour 64 catégories de produits divers importés d’Italie, des pâtes aux fromages, en passant par la vaisselle, le vin, les liqueurs, les conserves et ces délicieux Panettones, spécialité lombarde et piémontaise.
Fabrizio voit le jour à Rome, urbs aeterna (ville éternelle), puis la quitte aussitôt avec ses parents pour rejoindre Madagascar où ces derniers vivent et travaillent. Ils y exercent la profession d’hôteliers, ce qui inluencera le destin du jeune Fabrizio. Il restera sur la Grande Ile jusqu’au lycée avant de rejoindre La Réunion en 1995, pour intégrer le Centhor. Restauration, réceptionniste bilingue et management en hôtellerie sont au menu de ses études. En 2000, stage en Irlande, dans un Ibis, puis Fabrizio présente son mémoire.
De retour à La Réunion, il est embauché à l’Apolonia à Saint-Leu, puis ce sera le Blue Beach, le Saint-Alexis, et le Maharani mais il n’y trouve pas son compte. En 2001, il change complètement de voie pour devenir commercial dans l’immobilier. L’aventure durera jusqu’en 2014, avec la claque de la crise en 2008. « A cette époque, l’immobilier allait très mal. Comme beaucoup d’autres, je cherchais à changer de métier. L’idée d’avoir la propre affaire sous la forme d’une épicerie était déjà dans ma tête » confie-t-il.
Il commence les démarches, trouve son local, puis s’envole pour l’Italie à la recherche des fournisseurs. « Ils se demandaient d’où je venais, raconte-t-il, je leur ai expliqué que je venais d’un tout petit point de l’océan indien, à côté de Maurice, que les Italiens connaissent bien». Puis il décore son épicerie lui-même. « Je me suis inspiré des couleurs des Cinque Terre (partie de la Riviera italienne, en Ligurie), un mélange d’ocres.» De son «QG» italien de la rue Boyer de la Giroday, Fabrizio touche toute l’île. Il communique régulièrement par mail avec ses fidèles clients pour détailler les arrivages. Une adresse à visiter pour mitonner soi-même ses propres plats italiens.
L’ Italie de Fabrizio « Ca commence à l’aéroport, dans la salle d’attente, avec le café express torréfié. Puis c’est la langue, et le lâché prise. Je reprend les habitudes de là-bas. On est très gestuels. Mon Italie c’est aussi un terroir très riche, une alimentation saine, une cuisine simple et familiale et la mozzarella Di Buffala ou à la fleur de lait d’une petite ferme. La dolce vita ! »
Térésa Sainrimat, la cuisine familiale de sa Sardaigne
Térésa est née sur la petite île d’Isola San Pietro, toute proche de la Sardaigne, où l’on parle Génois. Fille de sarde, elle retourne au pays régulièrement. « C’est un très bel endroit, mais quand j’étais jeune, j’avais envie de bouger. Je ne savais pas que j’allais arriver sur une autre île » raconte-t-elle. « Mon père était agriculteur. Il avait du bétail et des légumes. Ma mère faisait son pain. On participait à la fabrication des gnocchis à base de pâte fraîche, les gnocchis à la pomme de terre s’arrêtent à Rome ! (sourire). » La jeune Térésa se lance dans la pâtisserie, mais découvre vite que ce n’est pas sa tasse de thé : « Je ne suis pas très gâteau ». A l’époque, en Italie, et chez les Trullu, on apprenait aux filles à faire la cuisine. Si l’aînée se mariait et partait, il y avait toujours une soeur pour s’occuper des garçons. « Quand mon tour est arrivé, j’ai commencé par dire à mes frères qu’ils fallait débarrasser et faire la vaisselle ! » C’était la génération des années soixante-dix où les femmes s’émancipaient.
Térésa finira par s’envoler pour la Normandie, «sa deuxième patrie», où elle rencontre son amour. « Nous sommes venus à La Réunion par curiosité. A l’époque à Saint-Gilles, on ne parlait pas de requins, c’était une autre vie. Nous en avons bien profité, puis un peu moins quand on a ouvert le restaurant. » Depuis 26 ans la cheffe du Grande Italia régale ses clients, avec ses spécialités de pâtes fraîches, fabrication maison, dans la belle bâtisse en pierres de taille du 62 de la rue Alexis de Villeneuve. « Nous essayons de travailler les produits frais, même si ce n’est pas toujours évident. Nous faisons venir tout le reste d’Italie. » L’un de ses plats phares : les pâtes à l’encre de seiche, « pas comme à Venise » précise Térésa, mais avec un mélange de quatre sauces. Un plat à réserver, que les habitués réclament régulièrement. Une cuisine familiale qui rappelle même à certains clients celle de leur mère ou grand-mère. « Pour moi, c’est plus qu’un compliment » déclare Teresa, émue. Un sacré caractère qu’il faut avoir rencontré.
L’Italie de Térésa… c’est la cuisine familiale et traditionnelle, et les desserts sans doute moins élaborés qu’en France mais si délicieux, sans oublier les spécialités de la Sardaigne : des fruits de mer, le cochon de lait, le sanglier et l’agneau, selon les saisons. « Là-bas, dans mon village de Carloforte, pas de supermarché. Je fais les courses à pieds et j’adore ça. » lance-t-elle. « Je garde le souvenir de la cuisine de ma mère, tout ce qu’elle m’a appris. J’ai pris ses habitudes. Je suis incapable de donner une recette. Tu me regardes, si t’es malin, t’apprends ! ».
Ciao Réunion ou la culture italienne sous les tropiques
Ciao Réunion est installée dans les locaux attenants au restaurant-pizzeria Il Giardino d’Italia, rue Amiral Lacaze à Saint-Denis, dont le gérant, Tony Mantione, est également le président. Très dynamique, l’association promeut la culture italienne au travers d’événements annuels comme le festival du film italien, ou tout au long de l’année avec, par exemple, des cours d’italien (enseignement inexistant par ailleurs) et un atelier culturel. Le parcours de formation dure trois ans, 1h par semaine, pour 80 étudiants.
Les inscriptions se font dès le mois d’août sur le site internet de Ciao Réunion. Il vous sera demandé 25 euros pour l’adhésion obligatoire à l’association et 40 euros pour les frais, soit 65 euros par personne et par an, un tarif dérisoire. « Nous sommes tous bénévoles, tient à préciser Béatrice Legoix, la trésorière adjointe de l’association. Nous faisons cela par passion. Cette somme ne sert qu’à acheter le matériel. »
Autre événement culturel : le jeudi soir, tous les mois, Ciao transforme ses locaux en salle de cinéma et passe un film ayant remporté le Lion d’or à la Mostra de Venise. Prochaine séance le 23 mai. Pour découvrir l’Italie, sa culture, sa gastronomie, sa langue, Ciao Réunion est un interlocuteur incontournable.
(De gauche à droite) Béatrice Legoix, Antonio Mantione, Pascal Massoni et Jocelyne Le Bleis
Site : ciaoreunion.wordpress.com • Email : ciaoreunion@gmail.com
Credits:
Photos Alexandre Bègue