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1 bénévole sur 4 œuvre dans le sport : quelles motivations ? Inès RIBEIRO PACHECO, Léo ROUET & Léa ZAWALSKI

Au fil des décennies, il s’est métamorphosé. Authentique phénomène de société, le bénévolat est l’une de ces pièces centrales du fonctionnement et du développement des associations sportives. Dans nos clubs angevins, nous sommes allés à leur rencontre pour en savoir davantage sur leur engagement, leurs intentions et leurs motivations.

"Est bénévole toute personne qui s’engage librement pour mener une action non salariée en direction d’autrui, en dehors de son temps professionnel et familial"

Le 24 février 1993, le Conseil Économique et Social définissait ce terme si riche qu’est celui de « bénévole ». Celui-ci indiquait « Est bénévole toute personne qui s’engage librement pour mener une action non salariée en direction d’autrui, en dehors de son temps professionnel et familial ». Mais, en réalité, c’est bien plus que cela. Historique, évolutif, enrichissant et passionnant, le bénévolat rythme la vie de 23% des Européens de plus de 15 ans, précise le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse. Face à une dynamique d’individualisation rampante dans nos sociétés, il est une source de lien et de cohésion sociale, d’engagement et de participation à la vie associative française, qu’elle soit sportive, culturelle ou encore sociale et éducative.

En France, plus de 3 millions de bénévoles sportifs

Ils sont 13 millions et représentent 25% de la population française. Un français sur quatre œuvre bénévolement dans l’une des 1 500 000 associations encore en activité en 2020. Le monde du sport en est l’un des plus influents. Pas moins de 175 000 associations sportives existent au sein de l’hexagone, accompagnées par près de 3,2 millions de bénévoles qui les font vivre, parfois même survivre, et qui sont au cœur de leur organisation. Investis, ces derniers répondent à des besoins d’estime, qui se sont transformés au fil du temps. Bien qu’elles puissent diverger, évoluer et se démultiplier, les missions qui leur sont consacrées permettent aux structures, notamment sportives, de vivre, de se construire et de perdurer sur le long terme.

Au sein de l’agglomération angevine, la Direction des Sports et Loisirs d’Angers soutient près de 275 associations sportives, lesquelles représentent plus de 36 000 licenciés. Surtout, cette ville est considérée comme l’une des plus sportives de l’hexagone. Selon le Ministère des Sports, elle détient les 4 lauriers du label « Ville active et sportive », depuis deux ans. Elle est synonyme de diversité, en démontre les 90 disciplines différentes représentées à l’échelle locale. Entre football gaëlique, hockey sur gazon, taekwondo, voile, waterpolo et consorts, les angevins ont le choix. Et les bénévoles aussi !

À Angers, 275 associations et 90 disciplines

Nous avons décidé, en collaboration avec l’association La Dalle Angevine, de se rapprocher au plus près des acteurs, des bénévoles qui donnent de leur temps dans les clubs d’Angers et des alentours. L’objectif ? Réussir à comprendre ce qui les motivent dans cet engagement si prenant et si passionnant, converser autour de l’évolution du bénévolat sportif, tout en arrivant à s’immiscer dans leur quotidien. Alors, après avoir recueilli une centaine de témoignages, nous avons rencontré quatre acteurs du sport angevin. À Trélazé, avec le football et le Foyer Espérance de Trélazé, aux Ponts-de-Cé avec l’ASPC Gym’Sport et l’ASPC Badminton, et à Angers avec le Canoë Kayak Club Angers (CKCA), suivez-nous dans notre aventure passionnante.

À Angers, le nombre de bénévoles diffère...

Ils sont le symbole de la diversité des associations sportives angevines et de celles appartenant à la première couronne périurbaine. La centaine de bénévoles ayant participé à cette enquête sont engagés dans des structures plus ou moins grandes, nées il y a peu ou près d’un siècle, qui promeuvent des sports plus ou moins populaires, qui sont plus ou moins accompagnés, formés, nombreux.

"50 % dénombrent entre 10 et 30 bénévoles actifs"

Néanmoins, près de 29% des structures interrogées comptent 1 à 10 bénévoles engagés quotidiennement au sein des leurs. Surtout, 50 % dénombrent entre 10 et 30 bénévoles actifs. Des chiffres qui montrent à quel point l’engagement bénévole est limité et souvent peu présent dans les associations. Cependant, 7% revendiquent une participation approchant la centaine de bénévoles investis fréquemment. La vie d’une association dépend, très souvent, d’une minorité qui demanderait une aide supplémentaire, un renouveau dans les engagements leur permettant de répartir les tâches à une plus grande échelle. Pour la plupart de ces associations, la perte de quelques bénévoles peut rapidement entraver au bon fonctionnement de celles-ci.

63% ont entre 25 et 60 ans

On se pose constamment la question d’un bénévolat intergénérationnel au sein des associations. Notre panel d’étude le prouve parfaitement ; parmi les 100 associations angevines visées par l’enquête, 14,5% d’entre elles déclarent avoir des bénévoles qui ont entre 15 et 25 ans. Il touche toutes les tranches d’âge, bien que la jeune population soit encore loin d’être la plus investie ! Pour preuve, la majorité engagée est âgée de 25 à 60 ans, avec une part de 63%. Une tranche d’âge assez large, qui contient une particularité révélatrice du phénomène ; 33% d’entre eux ont entre 40 et 60 ans. A croire que cette génération est soucieuse de combiner vie professionnelle et vie associative. Les angevins qui dépassent la soixantaine, et la plupart du temps retraités, sont eux aussi plutôt actifs, avec un engagement à la hauteur de 22,5% !

Des acteurs aux métiers diversifiés

Mais, au juste, quelles sont les catégories socio-professionnelles qui s’investissent le plus dans le monde du bénévolat associatif angevin ? Sans grande surprise, employés et retraités sont les deux les plus représentées dans nos associations, 35% à elles deux. Cependant, force est de constater l’investissement des habitants angevins ayant des postes à responsabilités dans leurs activités professionnelles. Bien qu’ils soient la plupart du temps bien occupés professionnellement, les cadres et professions intellectuelles supérieures, accompagnés des artisans, commerciaux et chefs d’entreprises sont de fidèles acteurs de la vie associative angevine, avec respectivement 14,7% et 10,7% de présence au sein des associations sportives de l’agglomération et de ses alentours. Enfin, avec une part d’1%, la quasi-non-existence du bénévolat sportif chez les agriculteurs décèle leur difficulté à consacrer du temps pour la vie associative.

Une aide hebdomadaire pour 40% d'entre eux

La disponibilité. Un facteur qui varie selon les bénévoles. À quelle fréquence œuvrent-ils ? Suivant les emplois du temps de chacun, le temps d’un bénévolat varie. À Angers, dans les clubs sportifs, on observe que plus de 40% d’entre eux offrent leur aide hebdomadairement. Cependant, chaque club à son organisation : certains peuvent travailler quotidiennement, mais d’autres seulement lors des événements sportifs. En général, les bénévoles constituant le bureau administratif de l’association agissent quotidiennement ; c’est le cas pour 22% des volontaires. Le club et les bénévoles s’arrangent entre eux pour s’adapter en fonction de chacun.

Des envies variées

Pourquoi devenir bénévole ? Quels intérêts ? Quelles sont les motivations ? Pour les bénévoles angevins, la réponse est unanime : aider le club est leur priorité. Les motivations diffèrent selon les personnes, les clubs, les sports… Néanmoins, ce qui les réunit, c’est le plaisir, la passion du sport qui anime chacun.

"En un mot : S'investir !"

Être bénévole, c’est une manière de se rendre utile, de servir une cause, d’apporter son aide. Chacun peut mettre sa pierre à l’édifice. Effectivement, contribuer à la vie du club, le soutenir, collaborer pour son développement, et participer à sa perpétuité sont l’essence même du bénévolat. Le Judo Club de St Barthélemy d'Anjou en témoigne, c’est « l'envie de faire fonctionner le club, le partage des compétences. En un mot : S'investir ! ».

Être bénévole, c’est donner de son temps pour entretenir un lien social, un rapport avec l’autre singulier, et ainsi porter ensemble les valeurs du club. Des moments de partage, de convivialité, de solidarité qui permettent de réunir des personnes de tout horizon. Cette ambiance si particulière, si authentique, parfois familiale, sont des caractéristiques qui poussent à devenir bénévole. Pour l’ASPTT ANGERS, section Triathlon, le bénévolat c’est : « le plaisir de partager, de construire, d’accompagner, de guider, de donner, de faire plaisir ! ». Finalement, ensemble, ils constituent un groupe social à part entière où des liens se tissent.

"Le partage, la solidarité, la transmission de compétences aux plus jeunes"

Être bénévole rime aussi avec transmission. Les échanges entre différentes générations enrichissent tout un chacun. Selon le Foyer Espérance de Trélazé, section tennis de table, ce qui motive leurs bénévoles sont : « le partage, la solidarité, la transmission de compétences aux plus jeunes, faire vivre la section, suivre leurs enfants, être utile… ». Petits et grands apprennent à vivre et à évoluer ensemble. Les bénévoles apportent au club et le club apporte aussi aux bénévoles.

Sans bénévoles les associations sportives ne survivraient pas, ou du moins, seraient limitées dans leurs actions. S’ils décident de l’être, c’est avant tout pour l’amour du sport et l’amour du club.

42% des bénévoles sont engagés depuis au minimum 5 ans

Face à tous ces enjeux que représente le bénévolat sportif, mais aussi ses difficultés d’attrait, nous remarquons que le temps moyen d’un bénévole en poste est de minimum deux ans. Cela signifie donc que la plupart des personnes qui s’engagent pour leur sport le font sur le long terme. Lorsque l’on s’investit dans ce type de structure, on le fait pour que cela perdure et on a du mal à en sortir. Les motivations sont donc toujours présentes pour ces bénévoles et les missions aussi, les anime et les aide à rester acteurs le plus longtemps possible. En effet, on constate que plus de 42% des bénévoles sont engagés depuis au minimum 5 ans, voire davantage. Tous ces facteurs mettent en avant les notions de lien, de cohésion sociale et, encore une fois, d’engagement symbolique que représente le bénévolat sportif, même dans nos sociétés actuelles qui peuvent être touchées par la notion de consommer et de rapport sport-argent. Les licenciés paient leur adhésion, sans se sentir redevable envers l’association. Une relation unilatérale.

Sont-ils réellement toujours les mêmes ?

Malgré des motivations et des valeurs véhiculées révélatrices de ce que représente le bénévolat, on comprend que l’on peut diviser l’entrée de nouveaux bénévoles dans les associations en deux catégories. D’un côté, 35,6% des clubs sportifs confient accueillir une dizaine de bénévoles par an. Ces données montrent une volonté d’échange, d’intégration et d’engagement qui sont assez positives dans l’envisagement d’un bénévolat, sur le long terme. Néanmoins, plus de 15% des associations nous affirment ne compter aucun nouveau bénévole au sein de leurs structures. On pourrait corréler ce phénomène au fait que la population tend d vers des notions de consommation, qui se ressentent au cœur des sports et de leurs pratiques. L’aide n’est vécue, pour certains, que comme quelque chose qui devrait être rémunéré et les significations et récompenses gratuites que représente l’action d’être bénévole s’en sentent dépréciées.

"La plupart de nos bénévoles sont investis depuis plusieurs années" (Handisport Angers)

Ce cas de figure de non-renouveau des bénévoles n’est donc pas présent dans toutes les associations. Certaines nous confient n’avoir que quelques nouvelles personnes, se comptant bien souvent sur les doigts de la main, et d’autres expliquent que ces phénomènes de recrutement varient en fonction des périodes mais aussi des années. Être bénévole est une mission engageante, qui plus est sur le long terme. Les individus font alors face à des exigences de réflexion sur leur avenir et leurs possibilités d’atteindre tous les objectifs qui leurs seront demandés. C’est une question qui se réfléchit avant de prendre une quelconque décision. Le bénévolat est un facteur déterminant de nos vies, qui les marquera et transmettra aussi aux nouvelles générations.

Près d'un club sur deux doit faire face au manque

D’après l’enquête, les clubs sportifs ont révélé une insuffisance proéminente de bénévoles. L’actuel manque d’effectif est devenu un véritable fléau. On remarque au fur et à mesure des années que de moins en moins de personnes s’engagent. Aujourd’hui, le phénomène se fait amplement ressentir : aucun club sportif angevin ne connait de surplus de bénévoles. D’autre part, près de 54% des clubs sportifs angevins se disent en avoir suffisamment. Alors que, 46% d’entre eux n’ont pas la quantité de bénévoles escomptée, ce qui signifie que presque un club sur deux doit faire face au manque. Une situation qui peut paralyser les clubs, et même les enliser s’ils n’inversent pas la tendance.

Un bénévolat genré ?

Un samedi après-midi. Au gymnase. Un match de Basketball. Le coup de sifflet est donné. Les joueurs sont en action. Prêts à marquer. Mais qui assure l’organisation de la rencontre ? Des parents bénévoles sont présents : les mamans s’activent à la buvette et les papas assurent la feuille de match. Un modèle assez stéréotypé des rencontres sportives et de l’action de bénévolat qui y est liée.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Ce qui peut paraître comme un cliché est encore présent dans de nombreux clubs angevins à ce jour. Cependant, pour certains sports, une évolution apparaît. Ainsi, la frontière entre les rôles attribués à un genre s’efface peu à peu.

"N’importe qui œuvre là où il le souhaite" (Angers Handball Club)

Il s’avère que la moitié des clubs sportifs angevins affirme que la séparation s’estompe. Pour certains, le bénévolat c’est aussi une manière de choisir sa mission : « chacun participe suivant ses intérêts, sportifs et animation », selon le Tennis Club Vaillante Angers. Le Angers Handball Club agit dans la même philosophie de pensée : « n’importe qui œuvre là où il le souhaite ».

Les mentalités changent, les esprits s’ouvrent, les rôles des bénévoles tournent. Le genre n’est plus un critère ; maintenant, on se base davantage sur des conditions temporelles, telles que pour le club Handisport d’Angers, « on décide entre nous suivant les possibilités de chacun ».

"Il peut y avoir des mamans à faire des gâteaux mais elles sont également sur le terrain" (Foyer Espérance de Trélazé)

Néanmoins, 50% des clubs ont des rôles cloisonnés suivant les genres. Chaque club, chaque sport, chaque bureau mène sa barque comme bon lui semble. Si certains clubs, n’en n’ont pas conscience, d’autres y sont plus sensibles. D’après le Foyer Esperance de Trélazé, « tout le monde est concerné, il peut y avoir des mamans à faire des gâteaux mais elles sont également sur le terrain, elles accompagnent, elles écoutent ».

Comme établi auparavant, être bénévole est un moyen de transmettre, donc de véhiculer une image d’une certaine organisation sociale : un paradigme figé peut envoyer une représentation sclérosée à nos jeunes.

"Les parents et les enfants sont de plus en plus consommateurs"

Une mutation du bénévolat ?

Le retour des clubs sur la question de l’évolution de bénévolat sportif est clair : les personnes consomment plus qu’elles ne participent à la vie du club. Une posture passive, spectatrice, qui nuit à l’avenir des clubs sportifs.

"L'investissement sur le long terme est plus délicat à motiver" (Wu Xi Quan Club)

D’une façon générale, les clubs observent une baisse de motivation, un manque d’engouement, par rapport à ce qu’ils pouvaient connaitre auparavant. Selon le Wu Xi Quan Club, « les parents sont toujours prêts à rendre service ponctuellement surtout si leur enfant est concerné, mais l'investissement sur le long terme est plus délicat à motiver dans tout ce qui est gestion administrative et encore plus en ce qui concerne la prise de responsabilités ».

Le manque d’implication des bénévoles et de renouvellement se fait ressentir : les clubs sont lassés. Une tendance à venir pour consommer, et repartir sans donner ni aide ni temps, sans s’investir en retour. Une relation à sens unique qui peut mettre en péril l’avenir des clubs sportifs. Le nombre total de bénévoles au fur et à mesure des années s’affaiblit. Cela n’est pas sans conséquence : le manque de volontaires, la difficulté à motiver les jeunes, à les fidéliser, le manque de temps à consacrer, la perte d’effectif entraînent une perte de vitesse des clubs, qui tendent vers le déclin.

Un essoufflement de la société qui n’offre plus autant de son temps, qui ne s’ouvre plus sur les autres, est ainsi « le reflet de notre auto-centrisme », comme l’affirme le club Aïkido Shingan.

Aujourd’hui, trouver de nouveaux bénévoles, les attirer et les fidéliser est devenu un véritable challenge pour les clubs. L’ASPC Gym Sport insiste : « de plus en plus difficile à recruter, les parents oublient que sans bénévoles, il n'y a pas de fonctionnement possible de nos clubs. Les parents et les enfants sont de plus en plus consommateurs ».

Quant au Bouchemaine Basket Club, il est radical : « le bénévole est une espèce en voie de disparition ». Un signal d’alerte est donné : c’est maintenant qu’il faut changer de comportement pour sauver nos clubs. Il en est de même pour le Angers Boxing Club, alarmé, qui annonce que « le bénévolat va disparaître dans 10 ans ».

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Léo Résonance
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