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Entretiens d'embûches Immersion dans le quotidien bouleversé de trois jeunes diplômés suite à la crise sanitaire

A cause de la crise, les jeunes diplômés ont eu de nombreuses difficultés à trouver un emploi : leur taux de chômage a augmenté de 2,6 % depuis 2019. Le gouvernement a mis des dispositifs en place pour les soutenir, mais ces derniers peinent à porter leurs fruits. Trois jeunes Bretons se sont confiés à nous, pour revenir sur leurs parcours depuis un an.

« Les jeunes diplômés sont les premières victimes de cette crise sanitaire. Car c'est une crise qui est due au manque d'opportunités », constate Nicolas Maxime, responsable statistiques à Pôle emploi Bretagne. Impossible de trouver un travail si aucune entreprise ne veut vous embaucher. Mais ces difficultés ne sont pas nouvelles. Depuis près de cinquante ans, la jeunesse se précarise : une partie des jeunes alterne entre contrats précaires et chômage. Le diplôme ne suffit plus à trouver un emploi stable désormais. Nous sommes allés à la rencontre de trois jeunes, qui nous ont partagé leur quotidien, leurs doutes, leurs peurs, mais aussi leurs aspirations. Camille est diplômée du master en sciences de la mer de Perpignan, Matéo a obtenu un DUT (Diplôme universitaire de technologie) en logistique à Saint-Nazaire, et Chloé est sortie de l’école de commerce de Grenoble. Ces trois Bretons d’origine nous racontent l’année écoulée, de leur stage à la recherche de leur premier emploi.

L’annonce du confinement a bouleversé les stages

En stage en Malaisie, Camille, vingt-six ans, n’a pu mener toutes ses expériences scientifiques.

16 mars 2020 : Annonce du premier confinement

Matéo – Saint-Nazaire :

Je suis devant la télévision comme tout le monde. L’annonce tombe : nous allons être confinés pour les quatre prochaines semaines. Parfait, cela veut dire que je ne vais plus avoir cours jusqu’à la fin de l’année. On a vu pire comme situation. Pour l’instant, je suis à Saint-Nazaire, lieu de mes études. Mais je vais rentrer me confiner chez mon père : direction Séné, à côté de Vannes.

Camille – Kuala Terengganu (Malaisie) :

Je suis actuellement en Malaisie, pour mon stage de fin d’études. Je suis super contente car j’étudie un sujet qui me passionne : la préservation des zones de ponte des tortues. Mon objectif est de déterminer les endroits où les tortues pondent, afin d’éviter qu’elles ne soient dérangées durant cette période, notamment par les touristes. C’est un stage de recherche scientifique. Mais suite au confinement, je ne sais pas comment va évoluer mon stage.

Chloé – Le Cap (Afrique du Sud) :

J’ai bien choisi mon moment pour partir en Afrique du Sud. Je voulais profiter de ma dernière année d’étude en école de commerce pour m’amuser au maximum et un semestre universitaire à l’étranger, au Cap, me paraissait une excellente idée. J’avais prévu de voyager, de visiter le continent africain, entre mars et mai, après la fin de mes cours ! Tous mes plans tombent à l’eau. Je vais probablement devoir retourner en France.

Chloé – Le Cap (Afrique du Sud) – Fin mars 2020 :

Je viens de rentrer. Je n’ai jamais vu l’aéroport Charles-de-Gaulle aussi désert. J’ai l’impression d’avoir atterri dans un autre monde. Il n’y a pas un seul bruit. Le pays est vraiment sous cloche. Terminus de mon voyage : Lorient, chez mes parents.

Chloé, Camille et Matéo ne sont pas les seuls à avoir vu leur stage chamboulé ces derniers mois. La crise sanitaire a perturbé les projets de nombreux jeunes : 78 % n’ont pas pu réaliser leur stage comme ils le souhaitaient, soit parce qu’il a été annulé dans 38 % des cas, soit parce qu’ils ont dû l’effectuer en télétravail pour 23 % d’entre eux, comme le révèle une étude de l’Observatoire de la Vie étudiante. Par rapport à 2019, il y a eu 22 % de stages en moins en 2020, selon une étude de la DARES (Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques).

Pourtant le nombre de stages a explosé depuis vingt ans, du fait notamment « du processus de massification de l'enseignement supérieur », comme le souligne Dominique Glaymann, sociologue à l’université d’Évry et spécialiste de cette question. Aujourd’hui, de plus en plus de jeunes suivent des études supérieures, et ont besoin de trouver un stage. « Il y a eu une injonction gouvernementale de professionnaliser les cursus universitaires, et le stage est apparu comme l’un des outils faciles à mettre en place », poursuit le sociologue. Mais celui-ci n’est pas pour autant plus facile à trouver. Le nombre de structures pouvant accueillir des stagiaires n’est pas infini, et ces derniers n'ont pas toujours les réseaux nécessaires pour pouvoir acquérir cette expérience professionnelle.

Avril 2020 : Des stages tombent à l'eau

Chloé – Lorient :

Je suis super contente d’avoir pu décrocher un stage à Studio Canal, c’est exactement ce qui m’intéressait ! D’habitude, ils organisent une journée de recrutement où ils réalisent plusieurs entretiens avec les candidats. Là, ils ont fait la même chose mais en visio, puisque la journée a été annulée à cause du Covid. Donc de juillet à décembre, je serai en stage communication et marketing chez eux. Je vais travailler sur les films du catalogue, qui sont sortis depuis un petit moment, afin de les revaloriser et de les mettre en avant à nouveau. Je vais pouvoir valider mon diplôme tranquillement. J’ai conscience que par rapport à beaucoup d’autres jeunes, j’ai de la chance. La crise sanitaire n’a pas annulé mon stage.

Matéo – Séné :

Malheureusement je ne vais pas pouvoir effectuer mon stage au SDIS 56, le corps des sapeurs-pompiers du Morbihan. Pourtant, mes tuteurs semblaient très motivés pour bien m’encadrer. En particulier François Gonzalez, le lieutenant-colonel : il m’a appelé toutes les semaines pour savoir comment je me portais et pour me tenir informé de la possibilité ou non de faire mon stage chez eux.

Je ne suis pas le seul dans cette situation : dans ma promo, 4 étudiants sur 90 ont gardé leur stage suite à la crise. Pourtant, nous allons devoir valider notre diplôme. Donc à la place, je vais écrire un mémoire sur un sujet qui me passionne : la logistique humanitaire. Le cours qui se rapportait à cette question n’a pas pu avoir lieu suite au confinement. Je vais approfondir cette notion de mon côté.

Je suis déçu que mon stage soit annulé, mais sachant que j’ai fait un service civique auparavant, j’ai déjà un bagage en termes d’expérience professionnelle, du haut de mes vingt-deux ans. Je pense par contre aux autres étudiants, qui ont intégré le DUT juste après leur bac : ils ont fait seulement un stage en première année, et ils n’ont pas assez de compétences. Un mois de stage, c’est beaucoup trop court. L’enseignement dans notre DUT est très théorique, et l’aspect pratique s’apprend lors des stages - les logiciels propres à la logistique par exemple. Pour certains de mes camarades de promo, les premières expériences en entreprise vont être compliquées.

Camille – Kuala Terenggan (Malaisie) :

Mon stage m’angoisse beaucoup. Le confinement en Malaisie est similaire à celui de la France : on a des nouvelles tous les quinze jours sur l'évolution de la situation. Les profs nous conseillent de rentrer en France, mais moi je n'en ai pas envie. Je sais que je ne retrouverai pas la même opportunité. Et puis les profs nous disent qu’ils vont nous aider à trouver un autre stage, mais si ce n’est pas le cas, je fais comment pour valider mon diplôme ? L’ambassade veut elle aussi que les expatriés rentrent. Ils s’inquiètent du système de santé en Malaisie : il est moins performant qu’en France, et les ressortissants français vont probablement être moins bien soignés s’ils tombent malades. J’ai peur de contracter le virus. Tant pis, je prends un risque, mais je préfère rester en Malaisie. Je pense que je n’aurai pas l’occasion de retourner à l’étranger de sitôt.

Camille – Pulau Redang (Malaisie) – Août 2020 :

Mon stage s’achève dans quelques jours et je suis contente d’être restée jusqu’au bout. Malgré tout, la crise sanitaire a un peu gâché mon expérience, car je n’ai pas pu acquérir certaines compétences, notamment en termes d’observation de terrain. Par exemple, je devais faire des patrouilles la nuit, pour voir le comportement des tortues sur la plage. Je n’ai pu le faire que brièvement à la fin de mon stage, en allant à Pulau Redang.

Réaliser des stages confère un avantage décisif sur le CV. Virginie Muniglia (photo ci-contre), spécialiste de la jeunesse et sociologue à l’EHESP (École des hautes études en santé publique), parle même de « rentabilité du CV », le but étant de se démarquer des autres étudiants et d’attirer l’œil du recruteur.

Mais si les stages permettent d'acquérir de la confiance en soi et des compétences, il faut pour cela être bien encadré, indique Dominique Glaymann : « Il y a 1,5 million de stages en France par an et très peu sont qualitatifs. » La plupart des entreprises veulent des jeunes complètement opérationnels et ne souhaitent pas avoir à les former. Elles estiment plus avantageux pour elles de ne pas recourir à un stagiaire s’il faut que le titulaire repasse à chaque fois derrière lui pour vérifier son travail.

Mais les stages contribuent à précariser la jeunesse, selon certains collectifs, comme Génération Précaire. Là où l’on pourrait créer des postes de juniors, les sociétés préfèrent faire tourner des stagiaires. Pour lutter contre ces pratiques abusives, une loi est mise en place en 2014. Elle impose de plafonner le nombre de stagiaires à 10 % au sein des effectifs d’une entreprise.

L'insertion des jeunes diplômés en péril

Chloé, vingt-quatre ans, s'occupe de la communication digitale du festival de Cannes.

Matéo – Séné – Mai 2020 :

Me voilà arrivé à la fin de mon DUT. Je l’ai validé le mois dernier. Depuis un mois, je cherche un travail dans un secteur qui m’intéresse mais je ne trouve rien. Je cible plutôt les collectivités ou le secteur associatif, car j’ai besoin de faire un métier où je me sens utile.

Matéo – Séné – Août 2020 :

Nous sommes en août, et ma situation n’évolue pas. Je ne pensais pas avoir autant de difficultés à trouver un emploi. Après, je ne me facilite pas la tâche, puisque je ne veux travailler que dans des secteurs très spécifiques, comme les collectivités ou les associations… et ce ne sont pas ceux qui recrutent le plus, de manière générale.

Je suis indépendant financièrement, car j’ai réussi à mettre de l’argent de côté suite à mon service civique, mais là mes économies fondent à toute allure. Je ne vais donc pas partir en vacances cet été, je n’en ai pas les moyens.

Matéo – Séné – Septembre 2020 :

Je n’ai toujours pas d’emploi. Pour se motiver et ne pas rester seul, avec mon amie Suzanne, nous nous entraidons dans notre recherche. Comme moi, elle cherche plutôt un job alimentaire désormais. Dès qu’on voit une offre intéressante, on la transmet à l’autre.

Camille – Kerlouan – Octobre 2020 :

Je suis chez mes parents, à Kerlouan dans le Finistère, depuis que je suis rentrée de Malaisie, et je cherche un emploi. Malgré mes vingt-cinq candidatures, toujours rien : pas de réponses, ou bien des réponses négatives. J’essaye de viser des instituts de recherche comme le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) ou l’Ifremer (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer).

Peut-être que cela aurait été plus facile si j’étais repartie à l’étranger. C’était mon plan à la base : je voulais profiter de ma jeunesse pour voyager. Donc je faisais mon stage, je rentrais pour passer un peu de temps en France avec mes proches, et puis je repartais. Mais là c’est impossible. Et je ne trouve pas d’emploi, même en cherchant dans tout le pays. Cela devient de plus en plus dur moralement, et la situation m’angoisse beaucoup.

En plus, j’ai clairement revu mes exigences à la baisse : j’ai un Bac +5 qui me confère une équivalence d’ingénieur, mais je postule sur des postes de techniciens, niveau Bac +3.

Matéo – Séné – Novembre 2020 :

Enfin une bonne nouvelle : je vais travailler un mois comme préparateur de commandes, avec Suzanne, à la conserverie de la Belle-Iloise, à Saint-Avé. Ce n’est pas du tout ce que je recherche et cela s’éloigne beaucoup de mes attentes initiales, mais c’est mieux que rien. Je vais faire les 2x8, ce qui devrait me donner un bon salaire.

Chloé – Lorient – Décembre 2020 :

Il y a un an, je pensais que l’entreprise dans laquelle j’allais effectuer mon stage allait m’embaucher. La crise est passée par là et Studio Canal m’a dit dès le début qu’ils ne me garderaient pas. On est très peu à avoir été directement embauchés là où l’on a effectué notre stage dans ma promo. Les entreprises sont quand même assez inquiètes par rapport à la conjoncture.

Pour l’instant, je vis plutôt bien le fait d’avoir un prêt de 35 000 euros à rembourser. Ce genre de prêt est commun en école de commerce. J’ai commencé les paiements depuis le mois de novembre, 600 euros par mois, parce que j’avais réussi à mettre un peu d’argent de côté. Mais cette année m’a appris une chose : prévoir les choses à l’avance n’est pas très utile. Donc j’ai décidé d’être plus flexible, et d’improviser davantage - ce qui n’est pas du tout dans mes habitudes. Quand on passe des entretiens pour entrer en école de commerce, on nous demande où l’on se voit dans cinq ou dix ans. Aujourd’hui, je ne sais même pas où je serai dans deux mois.

Chloé – Lorient – Janvier 2021 :

Depuis quelques jours, je suis en CDD pour le festival de Cannes. Je m’occupe de leur communication. J’ai été embauchée pour deux mois, j’espère que cela va être renouvelé par la suite, car c’est un univers qui me plaît énormément. Je suis en télétravail pour l’instant.

Chloé – Lorient – Mars 2021 :

Bonne nouvelle, j’ai eu une visio aujourd’hui avec ma supérieure et elle m’a annoncé qu’après une interruption de deux semaines, mon CDD sera prolongé de deux mois ! Si le festival de Cannes est maintenu, je vais même pouvoir poursuivre jusqu’en juillet.

Camille – Kerlouan – Mars 2021 :

Honnêtement, rien n’est pire que de ne pas avoir d’emploi. Si demain j’ai un entretien, je vais devoir justifier ce que j’ai fait ces six derniers mois.

Lorsque j’ai vu ma conseillère Pôle Emploi en novembre, je lui ai dit que je n’avais pas besoin d’elle, qu’un suivi était inutile et que j’allais rapidement trouver un travail. Elle m’a quand même fixé un rendez-vous en mai, pour faire le point. On est en mars, et je crois que finalement je vais devoir aller à ce rendez-vous. Je ne le vis vraiment pas bien.

En comparaison avec les diplômés de 2019, ceux qui sont entrés sur le marché du travail en 2020 subissent un taux de chômage de 2,6 points plus élevé. Pour Hadrien Clouet, sociologue du chômage, les jeunes diplômés mettent plus de temps avant de trouver un premier emploi : 74 % se sont insérés sur le marché du travail six mois après la fin de leur diplôme en 2019, et ils sont seulement 55 % cette année. En 2020, la moitié ont trouvé un CDI, contre 69 % en temps normal, selon Syntec Conseil, un syndicat professionnel représentant les professions du conseil.

Pourtant, cette précarisation n’est pas nouvelle, comme l’explique Virginie Muniglia, spécialiste de la jeunesse :

Hadrien Clouet précise que les diplômés sont touchés par une dévaluation de leur diplôme :« Les personnes les plus diplômées sont recrutées en premier, mais aujourd’hui au salaire des non-qualifiés. » Elles sont payés pour faire des tâches auparavant dévolues aux moins qualifiés, sous la pression du chômage et de la baisse des salaires de plus en plus forte qui en découle. Le diplôme est moins protecteur qu’avant, mais il reste un avantage certain pour ceux qui le possèdent.

Les jeunes travailleurs peu diplômés sont, en effet, ceux qui pâtissent le plus de la situation dégradée du marché du travail. Depuis la Libération, les politiques de l’emploi avaient pour but d’élever le niveau de qualification des jeunes, pour créer une société de cadres. « Ce modèle a des effets pervers. Ne pas avoir de diplômes est plus stigmatisant aujourd’hui qu’autrefois », souligne Dominique Glaymann. Dans les années 1970, seule une minorité de la population allait jusqu’au bac, alors qu’en 2019, le pourcentage de bacheliers dans une génération s’élevait à 79,7 %. « Plus de dix ans après leur entrée sur le marché du travail, les peu qualifiés sont plus souvent dans des trappes à précarité, et plus frappés que les autres par le chômage », conclut le sociologue. A contrario, dix ans après également, les diplômés du supérieur connaissent eux des taux de chômage de 4 ou 5 % au maximum, comme le développe ce rapport de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

Pourtant tout n’est pas perdu. Des solutions existent pour mieux intégrer ces jeunes au marché du travail : « En Allemagne, contrairement à la France, on a une industrie avec des emplois très qualifiés, ce qui explique que ce soit le pays d’Europe où le taux de chômage des jeunes est le plus faible », nous éclaire Virginie Muniglia. La sociologue conseille donc de développer l’apprentissage et les métiers manuels, qui sont davantage valorisés dans les autres pays européens.

« Plus de dix ans après leur entrée sur le marché du travail, les peu diplômés sont plus souvent dans des trappes à précarité et plus frappés que les autres par le chômage », Dominique Glaymann, sociologue.

Malgré un marché du travail morose et une crise qui leur met des bâtons dans les roues, nos trois jeunes ne se sont pas résignés, et ont mis en place des stratégies pour réussir malgré tout à trouver un emploi.

Matéo – Séné – Septembre 2020 :

Je m’étais dit que je continuerais peut-être mes études à la rentrée, mais je n’avais postulé qu’à une seule licence pro, et je n’ai pas été retenu. Je souhaitais surtout travailler, donc cela ne me dérangeait pas. Je me suis lancé à fond dans le bénévolat, ce que je projetais de faire depuis plusieurs années. Grâce à mon expérience bénévole à la Cimade, une association qui aide les migrants, j’espère pouvoir montrer mon intérêt pour ce secteur. Aujourd’hui, pour travailler dans le milieu de l’humanitaire, faire du bénévolat est quasiment considéré comme un prérequis.

Chloé – Lorient – Janvier 2021 :

En école de commerce, on apprend que le plus important pour trouver un emploi, c’est de développer son réseau. Au début, j’étais assez mal à l’aise avec cette pratique, car j’avais l’impression de profiter des gens, mais en fait c’est vraiment utile. Si je n’avais pas déjà fait un stage au festival de Cannes en 2019, je n’aurais pas pu recontacter mon ancienne tutrice. C’est elle qui m’a proposé de m’embaucher en CDD cette année. En plus, c’est un milieu qui me passionne. C’est un festival engagé, qui met en avant des films très politiques, avec un message. On y trouve aussi des réalisateurs peu connus et de jeunes talents.

Camille – Kerlouan – Octobre 2020 à mars 2021 :

Mes parents essayent de m’aider à trouver du travail, en me disant de contacter telle ou telle personne. J’apprécie beaucoup qu’ils fassent cela pour moi. Mon entourage m’a aussi donné le nom de quelqu’un qui travaille à l'Ifremer.

Comment aider les jeunes diplômés ?

Camille surfe sur son espace Pôle emploi dans l'espoir de trouver une offre intéressante.

Matéo – Séné – Juillet 2020 :

La Mission Locale de Vannes m’a contacté, car j’ai postulé pour travailler dans les déchetteries. Ils m’ont dit qu’ils gardaient mon CV et qu’ils allaient me rappeler. Je vais peut-être bientôt trouver du travail.

Matéo – Séné – Août 2020 :

Finalement, la Mission Locale ne m’a pas rappelé. Je ne vais pas leur téléphoner maintenant, parce que je pense qu’ils n’ont rien pour moi, et il faut avouer que je ne sais pas trop à quoi sert la Mission Locale.

Camille – Kerlouan – Mars 2021 :

Aujourd’hui, j’ai rempli un dossier pour toucher une aide à destination des jeunes diplômés sans ressources. Il faut répondre à plusieurs conditions, comme le fait d’être boursier, avoir minimum un Bac +2, et s’actualiser tous les mois sur son espace Pôle emploi. Ma mère a vu que cette aide existait en regardant la télé et elle m’en a parlé. Je vais toucher 340 euros pendant quatre mois, jusqu’à fin juin. Après, je n’aurai plus rien. J’ai vingt-six ans, donc je pourrai prétendre au RSA (Revenu de solidarité active). Mais je ne pense pas être la plus à plaindre, alors je préfère laisser ce revenu à quelqu’un d’autre.

Avec la crise, la Ville de Rennes, Rennes Métropole et la Région Bretagne ont décidé d’agir main dans la main pour aider les jeunes. Mais leurs dispositifs sont surtout tournés vers les étudiants. Pour l’instant, c’est principalement We Ker, la Mission Locale rennaise, qui bénéficie du soutien de la Région et de la Métropole, afin de faire face « aux demandes croissantes des jeunes ». Sur ce point, le président de la région Bretagne, Loïg Chesnais-Girard, insiste sur les moyens supplémentaires débloqués pour la formation : « On a créé plus de 3 700 places dans les centres de formation pour les moins de trente ans, ce qui représente une hausse de 10 % par rapport aux années précédentes. » Concernant l’insertion des jeunes, l'élu breton reconnaît que la Région a surtout voulu « impulser une dynamique, plus qu’une création d’emplois ou de stages, car c’est au monde économique de créer des emplois ».

Pôle emploi Bretagne suit depuis 2020 un nombre croissant de jeunes diplômés d’un niveau supérieur à Bac +2. Ces derniers sont 13 % plus nombreux par rapport à 2019. La Mission Locale confirme bien que les chiffres ont explosé suite au premier confinement. Entre juin 2020 et janvier 2021, la hausse des jeunes accompagnés est de plus de 20 % quasiment tous les mois. Les besoins ont changé aussi : auparavant, ces derniers voulaient bénéficier de dispositifs leur donnant l’opportunité de trouver un travail. Cette année, « ils sont souvent en recherche de formations ou de conseils concernant leur orientation professionnelle », relève Yves-Marie Droual, responsable de la communication chez We Ker ‐ Réseau des Missions locales, à Rennes. Ce changement n’est pas spécifique au bassin rennais, et les autres Missions Locales du pays ont aussi observé ce phénomène. Nicolas Maxime, responsable statistiques à Pôle emploi Bretagne, renchérit : « Les jeunes diplômés représentent 15 % de notre demande d'emplois, mais 30 % des places de formation sont prises par des moins de vingt-cinq ans. »

« La formation est une valeur refuge en période de crise », Yves-Marie Droual, responsable de la communication chez We Ker ‐ Réseau des Missions locales, à Rennes.

Pour Yves-Marie Droual, ce succès des offres de formation et d’orientation professionnelle est lié au fait que les jeunes veulent profiter de la période pour travailler leur projet ou bénéficier d’aides. En attendant des jours meilleurs. « La formation est une valeur refuge en période de crise », conclut-il.

Le principal dispositif sur lequel la Mission Locale s’appuie est la Garantie Jeune, dont l’État a annoncé le doublement des bénéficiaires suite à la crise, dans le cadre de son plan « 1 jeune, 1 solution ». Ce plan consiste en grande partie à créer des embauches dérogatoires, des contrats spécifiques, aidés, et à développer la professionnalisation des formations. Virginie Muniglia, sociologue, souligne que ce sont des dispositifs très stigmatisants, car « s’adressant à une sous-main d’œuvre ». Les jeunes ont alors moins envie d’y entrer, selon elle. Et ces derniers portent peu leurs fruits.

« Je m'en fiche d'être payé au SMIC »

Matéo, vingt-deux ans, se confie sur son expérience de bénévole à la Cimade.

Chloé – Lorient – Mars 2021 :

Ce soir, je vais lister mes priorités concernant mon travail, afin de ne pas oublier ce qui me tient à cœur :

  • Condition numéro 1 : Pouvoir subvenir à mes besoins.
  • Condition numéro 2 : Avoir un métier qui ait du sens.

Je n’ai pas besoin de gagner trois mille euros par mois. Je souhaite pouvoir faire un resto quand je veux, ou me faire plaisir de temps en temps. Le fait d’avoir un héritage, un patrimoine, ce n’est pas important pour moi. Et puis cela sonne trop adulte. J’ai des amis qui parlent d’acheter un appartement, et ce genre de discussion m’angoisse, parce que j’ai l’impression de n’être pas du tout prête à franchir ce cap. Je n’ai que vingt-quatre ans.

Camille – Kerlouan – Mars 2021 :

L’argent n’a jamais été une priorité pour moi. Quand on se lance dans le domaine de l’environnement et de l’écologie, on sait qu’on ne va pas devenir Crésus. Moi, je veux m’engager dans un métier qui ait du sens, un impact sur l’avenir, et que j’en sois fière. J’espère contribuer à sauver un peu la planète, c’est un idéal. J’ai passé ma vie au bord de la mer, et l’été je travaillais même à la Brittany Ferries, donc l’univers marin me tient à coeur.

Le choix d’études qui sont plus épanouissantes s’explique aussi par une autre raison, selon Virginie Muniglia : « Les jeunes ont tellement intégré qu’ils vont avoir des parcours plus précaires, que certains ont renoncé à se lancer dans la course aux études, et ont réorienté leur projet vers ce qui leur plaisait. »

Comme Matéo, les jeunes que nous avons interrogés estiment que leur rapport au travail est profondément différent de celui des générations précédentes. C’est la question du sens qu’ils souhaitent valoriser à tout prix. Alors que pour leurs parents, leur objectif était surtout de pouvoir payer ses factures à la fin du mois. Carine Ollivier, en charge d’un cours sur la précarité et le chômage, n’adhère pourtant pas complètement à cette vision. Selon elle, les générations précédentes se sont aussi posé cette question. « La différence ? Les jeunes se la posent beaucoup plus tôt. »

Certains rêvent aussi de travailler à l’international. De nombreux jeunes voulaient partir faire leurs premières expériences à l’étranger, mais le Covid les en a empêchés. On peut supposer qu’ils ont été obligés de chercher un emploi en France, gonflant ainsi les chiffres du chômage. Si beaucoup de jeunes diplômés souhaitent s'épanouir en-dehors de leur travail et ont l'impression que le CDI les enferme, ce dernier reste une valeur sûre en période de crise. Une tendance de fond. 48 % des jeunes déclarent que leur priorité actuelle est de trouver ou conserver un emploi stable, indique en 2019 une note de l’INIEP (Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire).

Matéo – Séné – Mars 2021 :

Je sais que je ne viserai pas le CDI, car je veux voyager. C’est très formateur. J'aime ma liberté et je n’ai pas envie de l’abandonner. Je n’ai pas envie de me poser. Une part de moi se dit que la situation idéale, c’est le CDD renouvelable. Démissionner d’un CDI est possible, mais cela me paraît psychologiquement lourd à gérer. Mais je sais aussi que la situation actuelle est délicate, donc on ne peut pas se permettre d’être trop exigeant. J’ai besoin d’argent, je ne suis pas complètement utopiste. Pour autant, si demain un groupe industriel me propose un CDI en logistique, je refuse. Cela ne correspond pas du tout à mes valeurs. Autour de moi, je ne vois que des jeunes essentiellement en CDD, donc je me projette plus facilement dans ce genre de situation.

Chloé – Lorient – Mars 2021 :

Lorsque j’ai commencé mes études, je me voyais plutôt avoir un CDI à la fin de mes études, car c’est la suite logique. Certains disent même que c’est « le Graal ». Et vu le contexte actuel, avoir un CDI est plus rassurant. Mais pour l’instant je suis en CDD, et même si ce n’est pas ce que j’avais prévu, cela correspond bien à l’incertitude du moment. Avec ce type de contrat, il est plus facile de changer de poste.

« Le syndrome du Tanguy»

Matéo est ravi de vivre chez son père, cela lui évite de payer un loyer.

Chloé – Lorient – Mars 2021 :

J’ai la chance d’être soutenue moralement par mes parents. Ils m’ont toujours laissée faire ce que je voulais, et la crise m’a fait prendre conscience qu’il est important d’avoir des personnes sur qui compter, surtout dans une période aussi incertaine.

Aujourd’hui, je gagne 1 900 euros par mois, ce qui est en deçà des standards lorsque l’on sort d’une école de commerce. Tous les mois, je rembourse plus de 600 euros pour mon prêt, donc il me reste au maximum 1 300 euros pour couvrir mes autres dépenses, dont mon loyer. Au vu de mon métier, si je continue les CDD dans cette branche, dans les grandes entreprises privées du secteur culturel, je devrai vivre à Paris. Cela peut vite monter à 800 euros par mois. Si je ne gagne que 1 900 euros, cela va être plus difficile pour moi de mettre de l’argent de côté. Et de toute façon, je ne me vois pas faire ma vie à Paris. Au moins, je suis indépendante financièrement.

Matéo – Séné – Mars 2021 :

Je vis chez mon père, et je m’estime assez privilégié, car je n’ai pas le loyer ni les courses à payer. Donc pour l’instant, être payé au SMIC n’est pas gênant, d’autant plus que j’ai de l’argent de côté. Mais quand j’aurai mon propre appart, avec un loyer à payer, il me faudra un salaire beaucoup plus confortable si je veux pouvoir me faire plaisir à côté. Je tiens à rester éloigné des grandes villes, où les loyers sont vraiment élevés. Et avec le confinement, j’ai pu voir tous les bienfaits qu’une vie à la campagne apportait : un jardin pour pouvoir sortir dehors, une maison qui ne donne pas la sensation d’étouffer. La qualité de vie est bien meilleure à Séné.

Camille – Kerlouan – Mars 2021 :

Cela faisait deux ans que j’étais partie pour mes études à Perpignan, et là je suis revenue chez mes parents, à Kerlouan, puisque je n’ai pas de revenus ni de travail. Ils sont agriculteurs, donc j’essaye de les aider assez souvent. C’est hyper frustrant. Tu as pris des habitudes, tu reviens et c’est un peu Tanguy. La grande qui revient à la maison, qui mange à la maison, qui regarde des films le soir avec ses parents… J’ai retrouvé ma petite chambre d’ado. Je dépends complètement d’eux, alors qu’avant j’étais indépendante financièrement. Depuis que je suis au collège, je travaille pour économiser de l’argent et pouvoir payer mes dépenses. C’est comme un retour en arrière, je reviens au même endroit qu’il y a dix ans, quand je passais mon bac. Comme si rien ne s’était passé depuis.

Le retour chez les parents a été une pratique courante, surtout après le premier confinement en 2020. « Être adulte, c’est avoir les moyens de ses décisions, de son autonomie. Lorsqu’on est obligé de retourner chez ses parents, cette évolution est coupée, et cela empêche le passage d’un cap », rappelle Hadrien Clouet. Cela explique le sentiment de frustration et de blocage que ressentent beaucoup jeunes, car là où ils devaient être plus libres que jamais, ils se retrouvent coincés dans un entre-deux : plus complètement étudiant, pas vraiment adulte. Cependant, les difficultés qu’ils rencontrent pour prendre leur indépendance relèvent d’un mouvement de fond plus ancien, détaille Joanie Cayouette, sociologue à l’Institut national d'études démographiques (Ined). « Aujourd’hui, les conditions de logement des jeunes sont beaucoup plus compliquées que celles des générations plus âgées, notamment à cause de l’augmentation des prix sur le marché de l’immobilier. »

Matéo nous a accueillis chez lui, dans une ambiance chaleureuse.

Matéo – Séné – Mars 2021 :

Personne ne me met la pression pour trouver un emploi stable, je n’ai pas de problèmes à ce niveau-là. Je n’ai jamais eu « d’année blanche ». Tous les ans, je me suis occupé, j’ai fait de nouvelles expériences, que ce soit la préparation d’un concours, des études ou un service civique.

Camille – Kerlouan – Mars 2021 :

Toutes les semaines, mes proches me demandent comment ça va, si j’ai des nouvelles, si j’ai obtenu un travail. Au début, cela ne me dérangeait pas, mais maintenant c’est de plus en plus compliqué à vivre.

Pour autant, mes parents ne me reprochent pas de m’être installée chez eux. Ils voient bien que je cherche activement un emploi, que je ne passe pas mes journées à ne rien faire.

« Le chômage est une condition qui est socialement très stigmatisée », Hadrien Clouet, sociologue

Le chômage ou le fait d’être sans emploi est « une condition qui est socialement très stigmatisée », constate Hadrien Clouet. Les pouvoirs publics considèrent qu’être au chômage dépend d’une responsabilité individuelle : le chômeur doit montrer qu’il cherche un emploi pour toucher ses droits. « La première question quand on croise quelqu’un en soirée, c’est “qu’est que tu fais dans la vie ?” », résume Hadrien Clouet.

Matéo – Séné – Mars 2021 :

Depuis des semaines, les médias parlent beaucoup de la précarité étudiante. Mais aussi des jeunes comme moi, qui ont fini leurs études, n’ont pas trouvé de travail et ont moins de vingt-cinq ans. Ils ne peuvent pas prétendre au RSA. Je suis en faveur d’un revenu minimum d’autonomie. Le paiement du loyer ne serait alors plus un problème, tu ne te lèverais plus tous les jours en te demandant comment tu vas finir le mois. Il y a aussi d’autres solutions pour réduire les inégalités entre les jeunes : par exemple distribuer 20 000 euros à tout le monde, accessibles uniquement à partir de dix-huit ans. Ensuite, chacun gèrerait le capital comme il l’entend.

Les difficultés économiques des jeunes peuvent s’expliquer par le manque de soutien des pouvoirs publics. Elise Tenret, sociologue à Paris Dauphine, nous livre quelques éléments à ce sujet. « En France, les jeunes sont considérés comme étant rattachés au foyer fiscal de leurs parents. Ce qui est compréhensible du point de vue de la justice fiscale, car on n’a pas trop envie d’aider des enfants dont on sait que les parents sont riches. » Les jeunes diplômés qui sont sans emploi doivent ainsi compter sur leur famille, quand ils le peuvent. L’auteur de La jeunesse dans tous ses états, Tom Chevallier met en avant une « familialisation des politiques publiques à destination de la jeunesse. Ils sont vus comme des enfants, donc c’est à la famille de s’en occuper, dans le prolongement des études du secondaire. Ce qui explique qu’ils ne peuvent bénéficier d’aides qu’à partir de vingt-cinq ans ». Mais cela génère de profondes inégalités.

Cependant, tous les pays ne fonctionnent pas sur le modèle français. Dans les pays nordiques, tous les jeunes ont accès à une bourse universelle dès leurs dix-huit ans. Au Danemark, où les études supérieures sont gratuites, tous les étudiants peuvent bénéficier d’une bourse d’environ sept cents euros par mois pendant six ans, qu’ils peuvent compléter par un prêt de l’État. Cela a un effet direct sur leur niveau de vie. « Des études ont montré que considérer les jeunes comme des adultes a des effets bénéfiques sur leur confiance en eux », complète Tom Chevallier.

Pour lutter contre la précarité, notamment des jeunes diplômés sans emploi, une idée a progressivement fait son chemin ces dernières semaines : le revenu minimum d’autonomie pour les jeunes entre 18 et 25 ans. Certaines villes ont décidé de l’expérimenter sous le nom de « revenu minimum de solidarité », comme à Lyon. Cela peut concerner des étudiants boursiers qui ont fini leur parcours, sont en recherche d’emploi et n’ont plus aucune aide, mais aussi des gens qui n’arrivent pas à rentrer dans la garantie jeunes ou qui en sortent en échec.

Loïg Chesnais-Girard, président de la Région Bretagne, est aussi en faveur de ce RSA pour les jeunes : « C’est un sujet d’autonomie et de déprécarisation de notre jeunesse. Dans la période de crise dans laquelle nous sommes, la jeunesse a besoin d’être particulièrement soutenue pour sortir de l’ornière. » Mais la Région a peu de marges de manœuvre budgétaires pour mettre en place ce revenu : « Elle n’a pas le droit d’être en déficit. Donc elle n’a pas la capacité d’assumer seule un projet comme celui-ci », déplore le président breton.

« Mon aide financière se termine dans quatre mois et j’espère que j’aurais trouvé un emploi d’ici là », Camille, diplômée d'un master en Sciences de la mer.

Matéo – Séné – Avril 2021 :

L’année prochaine, je vais continuer à chercher un emploi qui me plaît, ou peut-être faire un service civique à l’étranger. Je suis plutôt optimiste concernant mon avenir. Depuis début mars, j’ai trouvé un job comme médiateur anti-Covid jusqu’en juin. Je m’occupe de la partie logistique du dépistage dans les écoles morbihannaises : contacter l’établissement, apporter le matériel sur place, aménager les lieux en fonction de la distanciation sociale… C’est grâce à Jean-Michel Blanquer que j’ai trouvé ce travail, qui l’eût cru ? J’écoutais France Inter par hasard et j’ai entendu le ministre de l’Éducation Nationale dire qu’ils allaient créer des postes de médiateur pour les jeunes qui cherchent un emploi. Après, j’ai contacté l’ARS (Agence régionale de santé) et j’ai été pris grâce à mon profil logistique. Mais les mesures du gouvernement à destination des jeunes ont été timides, tout de même. Ce n’est pas normal qu’aujourd’hui en France des jeunes soient obligés de faire la queue pour récupérer des colis alimentaires.

Chloé – Lorient – Avril 2021 :

Mon CDD sera peut-être renouvelé le 15 mai pour deux mois encore, si le festival de Cannes est maintenu. Pour l’instant, je ne m’inquiète pas trop pour l’avenir, même si j’ai mon prêt à rembourser.

Camille – Kerlouan – Avril 2021 :

Mon aide financière se termine d’ici quatre mois, et j’espère que j’aurai trouvé un emploi d’ici là. Je ne m’imagine pas du tout me reconvertir, car c’est le seul métier qui aie du sens pour moi. Je préfère travailler en intérim plutôt que de passer ma vie dans un métier qui favorise le capitalisme. Mais je ne vais pas supporter de continuer à ne rien faire.

Les dernières pages de cette chronique se tournent. Matéo, Camille et Chloé regardent vers l’avenir, entre angoisse et optimisme. Mais leur futur reste précaire. « La situation de la jeunesse est révélateur d’un malaise dans nos sociétés », termine Dominique Glaymann, notre expert des mutations du marché du travail. Les difficultés des jeunes doivent nous questionner : quel modèle de société voulons-nous ? Une société où la précarité sera devenue la norme pour tous ?

Écrit par Lucie Prod'homme, étudiante en master Journalisme à Sciences Po Rennes.

Crédits photo (si non spécifié) : Lucie Prod'homme.