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Affaire Benalla lES RESSORTS D'UN HYPERACTIVISME SUR TWITTER

L’Affaire Benalla, révélée par le Monde, suivie de plusieurs rebondissements de la part de l'exécutif français, existe sans les réseaux sociaux. Dans le même temps, l’affaire Benalla a occupé Twitter en ce mois de juillet dans des volumes que nous n’avions presque jamais croisés auparavant. Ce volume a également été fortement amplifié par un petit nombre de comptes. Nous nous posons alors la question : comment s’exerce cette hyperactivité ? S’agit-il de partages militants ou est-ce également un gonflage numérique contaminé par de la désinformation ?

I. Enseignements

Les personnes hyperactives qui ont publié 1 % des 47 % de tweets sont séparées en deux parties :

  • D’une part, des personnes militantes qui publient énormément, ceci sans le moindre but de désinformation. Ce segment est clairement occupé par des comptes proches de la France insoumise
  • D’autre part, des personnes qui partagent de la désinformation et que nous pouvons corréler à à l’écosystème autour de Russia Today et Sputnik. C’est ceux-ci qui nous ont particulièrement intéressés et qui ont fait l’objet d’une attention plus soutenue.

1. Un volume d’activité extraordinaire

Entre le 19 juillet et le 3 août, plus de 4,5 millions de tweets en français ont été échangés sur ce sujet par plus de 247 701 auteurs différents. Ce volume est tout à fait exceptionnel : trois fois plus que BalanceTonPorc et deux fois plus que JeSuisCharlie. Un autre chiffre l’est aussi : 1 % des acteurs (soit 3378 personnes en excluant les médias) ont publié 47 %*(1) des contenus.

*(1) Une première communication de notre part donnait le chiffre de 43 %. Celui-ci était basé sur une temporalité différente.

Parmi eux, en sélectionnant les plus actifs ayant publié au moins 1000 tweets, on obtient même 445 acteurs qui ont publié 768 281 tweets.

Au sein des 1% de comptes hyperactifs, 29% appartenaient à la communauté souverainiste, LR et proche du mouvement contre le mariage pour tous; 29 % par des comptes rassemblant le rassemblement national, des souverainistes et quelques personnes du mouvement contre le mariage pour tous (bleu) et 42 % de la communauté de la France insoumise (rouge) avec quelques porosités avec les autres communautés.

2. Des hyperactifs avec des caractéristiques hors-norme

Un haut taux de tweets

Les comptes hyperactifs identifiés (3378 comptes représentants les 1% les plus actifs sur le sujet) possèdent depuis leur création une moyenne de tweets émis entre 46 000 et 63 000.

Les individus qui ont propagé beaucoup de désinformation ont publié en moyenne 173 318 tweets contre 46 000 tweets pour les comptes qui ne diffusent presque pas de désinformation. Ce nombre est en relation directe avec la probabilité qu’un individu diffuse une désinformation.

Une pratique du mass following exacerbée

En outre, ces comptes pratiquent allègrement le mass following, suivant en moyenne environ 1488 personnes pour être suivis sensiblement par le même nombre. Pour rappel, le mass following est un phénomène signifiant que l’on suit beaucoup de personnes dans le but d’être suivi en retour.

Des pics de création lors des années électorales

Ces comptes sont clairement militants et à intentions militantes. Cela se remarque d’ailleurs dans le pic des dates de création de leurs comptes qui correspond aux périodes d’élections présidentielles : 2012 et 2017.

Habitant nulle part

Un autre fait intéressant est le fait que 41,9 % de ces comptes n’ont aucune information à propos de leur localisation. Si l’on ajoute l’item France aux personnes sans aucune information de localisation, nous sommes à 50 % des individus identifiés.

Presque tous des pseudonymes

Nous avons mesuré que 92,5 % des comptes utilisent un pseudonyme pour communiquer. L’élément intéressant est le fait que la part de l’utilisation de pseudonyme diminue avec les acteurs qui partagent le plus de désinformation. Ceci dit, ces noms sont génériques. (Pierre François, Louis Dupont, etc.)

3. Un écosystème relié à d’autres réseaux identifiés précédemment

Parmi ces hyperactifs, on retrouve différents réseaux identifiés pendant la présidentielle française :

  • 27 % font partie de l’écosystème qui relayait les médias Russia Today et Sputnik en février et mars 2017 (pendant la campagne présidentielle française de 2017 et avant la diffusion de la chaîne RT en France qui date de décembre 2017).
  • 9,43 % faisaient partie des 840 comptes ayant partagé au moins trois désinformations durant la présidentielle qui ont été identifiées comme telles par Crosscheck, un projet de FirstDraft, organisme référent de fact-checking.
  • 2,8 % faisaient partie des quelque 1653 acteurs qui ont amplifié les #Macronleaks 2 à 3 heures après leur publication.

La France insoumise : militante, mais non désinformante

Le nombre de tweets sur l'affaire Benalla est le même dans toutes les communautés hyperactives. Cependant, les tweets de la communauté de la France Insoumise contiennent drastiquement moins de désinformation.

4. Comptes semi-automatisés

Nous avons identifié un réseau de trois personnes utilisant un système automatique de retweet. Ces trois comptes passent par un service web utilisant l'API Twitter afin de publier toute la journée et ont vraisemblablement acheté des followers. Ils sont reliés au compte HDeBonneVolonté.

5. Une corrélation de désinformation

Il est impossible de déterminer si une vraie personne se trouve derrière chaque compte; et encore moins d'identifier si un compte est est à la solde d’un réseau de désinformation étranger. Ce constat est sans équivoque.

Cependant, force est de constater au vu des différents cas de désinformation que le taux de russophilie d’un écosystème est corrélé avec sa probabilité de partages de désinformation. Corrélation n’est pas causalité, dans le sens où cela ne voudra jamais dire que l’on peut prouver une influence étrangère ou tout autre causalité. Par contre, cela peut constituer un bon indicateur pour identifier s’il y a davantage de probabilité de circulation de désinformations.

II. Méthodologie

Sachant que le mot désinformation que nous utilisons à travers ce rapport est défini comme “la création et le partage délibéré d'informations fausses”. (Wardle, 2017)

Quels sont les outils utilisés ?

Pour collecter et analyser les différents tweets, nous avons utilisé la solution Visibrain qui capte les tweets depuis le service de Twitter Gnip. Les traitements statistiques ont été réalisés via Python, Excel et Tableau Software. Les différentes cartographies ont été réalisées via le logiciel Gephi. Talkwalker Discovery a été utilisé pour rassembler les 13 mois de tweets des acteurs les plus présents dans les partage de désinformations. Les scans de profils Twitter ont été réalisés via le logiciel en ligne de Lucas Hammer : https://accountanalysis.lucahammer.com

Comment une cartographie est-elle réalisée ?

Premièrement, nous récupérons les données en utilisant la sémantique. Les mots-clés utilisés sont :

Ensuite, nous analysons ces tweets de plusieurs manières, dont la cartographie des acteurs. Pour cette étude particulière, nous avons analysé la manière dont les acteurs se suivaient sur Twitter.

Pour cela, nous menons une cartographie où l’algorithme de couleur est un algorithme de modularité (Louvain) ; la taille des points est définie selon l’activité ou le nombre de personnes suivies, et la spatialisation est effectuée via Force Atlas.

Comment les comparatifs entre écosystèmes sont-ils menés ?

Il y a différents types de comparatifs :

  1. Russia Today et Sputnik : constitué des comptes (les 5000 + actifs) partageants le plus Russia Today et Sputnik en amont de la présidentielle française.
  2. Réseau des désinformations : nous avions identifié les acteurs partageant de la désinformation durant la présidentielle de 2017. Parmi ceux-là, certains avaient partagé au moins 3 rumeurs identifiées comme telles par crosscheck.

Celles-ci étaient :

  • François Fillon, blanchi par la justice. (Et les médias n’en parlent pas)
  • Macron va installer la Charia à Mayotte.
  • Macron va instaurer une taxe sur les loyers des propriétaires.
  • Jean-Luc Mélenchon s’affiche avec une Rolex.
  • Emmanuel Macron est financé par l’Arabie Saoudite.
  • “Emmanuel Hollande”. (Avant qu’il ne soit repris par François Fillon)
  • “Ali Juppé”
  • Macron serait homosexuel
  • “Macron Cahuzac”

3. Macron leaks : il s’agit d’une liste des 1653 premiers comptes à partager le leaks. Les Macron leaks sont la diffusion de documents issus d’un piratage de données (emails notamment) de salariés de la campagne de Emmanuel Macron, mélangeant vrais et faux documents. Ce n’est pas une fake news, mais leur propagation très rapide via des réseaux identifiés comme américains, ayant propagé préalablement de nombreuses fausses informations comme le PizzaGate, était suspicieuse.

4. Ecosystème de désinformation russe : identifié par rapport à la propagation active de fausses informations comme #SyriaHoax (pas d’attaque chimique par le gouvernement syrien) ou l’empoisonnement de l’agent Skripal par les services secrets anglais.

Comment identifie-t-on un russophile ?

Nous avons mis en place une méthodologie qui peut avoir ses limites, voire des contradicteurs. Sur base de deux mois d’activité en février et mars 2017, nous avons identifié les 5000 personnes qui partageaient le plus le contenu de Russia Today et Sputnik en France. Cette identification a été réalisée avant la campagne de la présidentielle française de 2017 et avant les polémiques qui ont fait parler de Russia Today en France, par exemple :

  • les accusations d’Emmanuel Macron de désinformation en septembre 2017 ;
  • la pétition contre l’autorisation d’émettre de Russia Today en octobre 2017 ;
  • le démarrage de l’émission de Russia Today en France en décembre 2017.

Qu’est-ce que l’on entend par “Russophile” ?

Russophile : “Qui est favorable aux Russes ou (anciennement) à l’URSS” - Larousse. Une partie de notre travail porte sur la compréhension des sphères d’influence dans la diffusion et la manipulation de l’information sur les réseaux sociaux.

Un russophile sur Twitter, c’est qui?

  • Partager publiquement et régulièrement des articles de RT et Sputnik, qui sont des médias financés par l’État russe
  • C’est donc une sensibilité aux narratifs pro-russes
  • Ce n’est pas un jugement de valeur, mais un fait quantifiable selon une méthodologie

Un russophile sur Twitter n’est pas :

  • un espion à la solde de Vladimir Poutine
  • un troll payé en rouble dans une ferme à trolls à Saint-Pétersbourg
  • une personne passant ses vacances à Moscou ou un lecteur de Dostoïevski

Malgré les soupçons d’ingérence de l’État russe dans plusieurs processus électoraux, nous rappelons qu’il est impossible sur base d’une activité en ligne de qualifier quelqu’un comme étant une personne malveillante à la solde d’intérêts étrangers. Ceci relève du travail des services de renseignement, ce qui n’a strictement rien à voir avec notre mission.

III. Analyse

A. Macro

1. Ligne de temps globale

Du 19 juillet au 3 août, l’affaire a capitalisé 4 567 426 tweets pour 247 701 acteurs. Il s’agit d’un volume de publications exceptionnel. En revanche, le volume d’acteurs est similaire à celui observé lors d’autres phénomènes. À titre de comparaison, voici les volumes pour BalanceTonPorc en français :

Pour BalanceTonPorc, le volume est bien moins élevé (773 027 tweets), mais le nombre de personnes est sensiblement le même que pour l’affaire Benalla (1857 auteurs de différence seulement). Dans un contexte plus politique, le premier débat de la Primaire de Droite avait rassemblé 206 000 et 221 000 tweets pour environ 30 000 utilisateurs.

Dans cette étude, il convient dès lors d’analyser le phénomène de manière quantitative, dans les auteurs et dans les tweets.

Nous avons décidé de retenir les acteurs qui ont publié plus de 200 tweets dans la première semaine. Ce critère volumique peut être considéré comme bas, mais nous avons constaté qu’un tiers d’acteurs émergent à plus de 700 tweets sur la première semaine.

Pour l’analyse, nous avons exclu les médias et les comptes que l’algorithme plaçait entre deux ponts ainsi que la communauté de La République En Marche. Cette dernière était constituée de seulement 27 acteurs (0,7 % des comptes hyperactifs) qui avaient tweeté 11 564 tweets. (0,53 % des tweets), soit une part très marginale des auteurs et du volume.

Par ces critères, nous isolons donc 3378 acteurs qui sont considérés comme hyperactifs. Ces comptes les plus actifs représentent seulement 1,36 % des acteurs, mais ils ont publié près de 47,32 % du volume total sur l’affaire Benalla.

2. Analyse des acteurs

Afin de décrypter les mécanismes d’influence dans cette proportion d’utilisateurs ultra-actifs, nous avons procédé à une analyse de réseau (Social Network Analysis).

Dans le but de comprendre l’imbrication des différents acteurs (aussi en lien avec des médias et journalistes), nous avons réintégré dans cette analyse les comptes officiels des médias ainsi que des politiques actifs sur le sujet :

Rappel : dans cette carte, les couleurs sont assignées via un algorithme de modularité (Louvain). La taille mesure l’activité d’un compte : plus un point est gros, plus le compte Twitter en question a publié durant l’affaire. Les liens entre les acteurs représentent comment ils se suivent entre eux.

Quatre grands ensembles se dessinent via l’algorithme de clustering :

*(2) Parfois, l’algorithme peut placer un compte dans une communauté ou une autre. Pour cette raison, il peut y avoir quelques faux positifs négligeables.

Pour rappel, et comme indiqué lors du premier point, nous avons exclu les médias et les comptes difficilement attribuables algorithmiquement ainsi que la communauté de La République En Marche. Cette dernière était constituée de 27 acteurs (0,7 % des comptes) qui avaient tweeté 11 564 tweets. (0,53 % des tweets).

En termes de volumes et d’auteurs, nous avons la répartition suivante :

Cela correspond donc à :

  • 618 134 tweets par 855 acteurs pour la classe1
  • 906 711 tweets pour 1448 acteurs pour les comptes proches de la classe 3
  • 639 042 tweets pour 1075 acteurs proches de la classe 2

En moyenne, cela correspond de 600 à 730 tweets par acteurs, un nombre quasiment identique dans chaque cluster identifié.

Sur la période étudiée, les courbes d’activités sont semblables :

NB : Les ultra-actifs sont les auteurs ayant publié plus de 1000 tweets sur la période.

Lorsque nous filtrons les acteurs de la cartographie en ne gardant que les acteurs ultra-actifs, la communauté médiatique et LREM disparaissent pour laisser place à ces deux ensembles :

D’un point de vue macroscopique, quelle est la nature de ces comptes ?

Premièrement, nous pouvons dire, sur base de leur date de création, qu’ils ont été ouverts dans un contexte plus que politique :

En effet, nous observons d’importants pics de création de comptes Twitter pendant les périodes d’élections présidentielles : 2012 et 2017. Sans surprise ici, les périodes électorales incitent des utilisateurs à s’engager dans les campagnes en ligne.

Ces ultra-actifs pratiquent allègrement le mass following qui consiste à suivre un grand nombre de comptes pour espérer être suivis en retour. Ces comptes suivent en moyenne 1500 personnes pour être suivis sensiblement par le même nombre. Enfin, la moyenne de tweets par auteur est exceptionnellement haute : entre 46 000 et 63 000 tweets de moyenne selon les clusters.

En se concentrant sur les 25 acteurs les plus prolifiques, on observe même des chiffres allant de 1 149 560 à 343 221 tweets par auteur tandis que le plus gros posteur culmine à plus de 953 tweets par jour.

Nous notons que 41,9 % des ultra-actifs n’ont déclaré aucune information sur leur localisation tandis que ce taux monte à 50 % si l’on y inclut ceux qui se déclarent habitants en “France”.

Revenons à l’échantillon de départ : 3378 comptes ayant publié plus de 200 tweets sur l’affaire Benalla et ne figurant pas dans la communauté médiatique, LREM et comptes entre deux communautés.

La quasi-totalité de ces comptes utilise des pseudonymes. Toutes communautés confondues, 92,5% des comptes interagissent sous pseudonyme.

Historique

Que sait-on d’un point de vue historique des comptes ? 2,8 % des comptes étaient présents lors des premiers moments des Macron leaks. Cela est négligeable.

En filtrant ensuite sur les comptes qui avaient propagé au moins 3 rumeurs pendant la présidentielle française, le taux de concordance est plus élevé : 9,43 % de concordance. Les comptes identifiés sont quasi exclusivement localisés dans les clusters “souverainistes” et proches de “l'extrême-droite”. Ici encore, à part deux comptes, les comptes proches de la France Insoumise ont disparu.

En filtrant désormais sur l’écosystème que nous avions identifié en prenant les 5000 profils les plus propices à partager Russia Today et Sputnik, nous obtenons alors une concordance de 27%. Nous rajoutons les personnes identifiées comme présents dans de multiples opérations russes de désinformation (SyriaHoax, rumeurs pendant la présidentielle, etc.), nous avons 86 individus concordants. L’ensemble de cet écosystème est alors le suivant :

Nous constatons ici que le partage d’articles de Russia Today et de Sputnik, ainsi que le partage de fausses informations pendant la présidentielle est corrélé avec une hyperactivité de la part de communautés “souverainistes” et "d’extrême-droite" pendant l’affaire Benalla.

3. Agentivité - Désinformation dans ces communautés

Nous nous sommes ensuite posés la question suivante : est-il tout à fait normal pour certains militants de tweeter 200 fois sur un même sujet ? L’analyse quantitative présentée avait pour objectif d’étudier la part de production de contenu par une minorité d’acteurs. Pour compléter notre étude, il nous fallait évaluer la part d’informations fausses qui aurait pu être propagée par ce réseau. Pour cela, nous avons identifié neuf désinformations qui ont circulé durant l’affaire Benalla : (tout en notant que certaines d’entre elles ont été démarrées par les médias).

  • Benalla aurait des gyrophares sur sa voiture de fonction (6881 tweets par 4829 auteurs) - Présence médiatique
  • Benalla s'appellerait en fait Lahcene Benalla (13 118 tweets pour 5199 auteurs) - Non-présence médiatique
  • Benalla serait un espion marocain (206 tweets pour 158 auteurs) - Non présence médiatique
  • Benalla pratiquerait des écoutes téléphoniques sur les députés (1716 tweets pour 1506 auteurs) - Présence médiatique via une interview d’EELV
  • Benalla allait créer un service secret spécial dont il serait à la tête (4157 tweets pour 2911 auteurs) - Présence médiatique
  • Alexandre Benalla est le voisin de Mamadou Gassama (1699 tweets pour 1423 auteurs) - Non présence médiatique
  • Benalla était chargé de récupérer l’ADN d’opposants politiques (1082 tweets pour 891 auteurs) - Non présence médiatique
  • Macron prend de la cocaïne et Benalla pourrait être son dealer (2220 tweets pour 1657 auteurs) - Non présence médiatique
  • Benalla serait l’amant de Macron avec quelques photographies : (3928 tweets pour 2892 auteurs) (pour des questions méthodologiques, notamment du fait que certains le partagent pour rire, les visuels comme ceux que nous présentons ci-dessous n’ont pas été considérés pour cette étude) - Non présence médiatique

Ensuite, nous avons identifié comment ces comptes avaient interagi sur les différentes désinformations.

En volume de tweets, il y a toujours une surreprésentation de l’écosystème des hyperactifs (soit ceux avec + de 200 tweets) qui cette fois, représente entre 30,8 et 61,5% du volume publié. Une seule exception concerne la désinformation selon laquelle Benalla serait l’amant de Macron.

Lorsque nous observons la répartition en termes d’auteurs, nous constatons des proportions plus basses que pour les tweets, ce qui montre que des acteurs ont publié plusieurs tweets sur le sujet :

En résumé, nous constatons une représentation significative des ultra-actifs dans la publication des tweets. Seuls 15 individus ont partagé plus de 4 désinformations sans être compris dans l'échantillon des hyperactifs. Ceux qui ont partagé le plus de désinformation parmi ces 15 (7 à 8 rumeurs) sont aujourd’hui bloqués par Twitter.

Pourcentage de la communauté mobilisé

Nous avons ensuite analysé la part d’auteurs de la communauté active sur les différentes désinformations.

La catégorie "reste" étant les auteurs qui ne figuraient pas dans les plus actifs autour de cette affaire (les 245 844 autres).

En analysant la part d’auteurs impliqués dans les différentes désinformations, on remarque que la communauté 3, à savoir celle constituée en majorité par des proches de la France Insoumise, a été très peu active sur les désinformations. Celle où l’on remarque un taux de 50 % est une désinformation ayant beaucoup circulé (Lahcene) ou provenant de la presse traditionnelle (gyrophare). Par ailleurs, on remarque qu’en termes de volume, Lahcene est sous-représenté dans le pourcentage de tweets de la France insoumise sur cette désinformation :

Conclusion : Nous pouvons dire que si le nombre de tweets sur l'affaire Benalla est le même à travers les communautés hyperactives, celui de la communauté de la France Insoumise contient drastiquement moins de désinformation

B. Micro

De façon micro, l’étude est beaucoup plus ardue. Il est en effet très difficile de prouver l’utilisation d’un bot, d’un réseau de désinformation ou autres dans la mesure où les activités journalières peuvent apparaître normales, et même quand elles apparaissent anormales, elles peuvent se révéler l’être. Toutefois, nous avons mené différents processus pour y voir plus clair.

1) En partant de comptes multirécidivistes

Premièrement, nous avons réussi à isoler un écosystème suspicieux présent dans l'entièreté de nos bases de données (Macron leaks, désinformations russes, rumeurs) pendant la présidentielle :

  • StopMariageHomo
  • Patricia691503
  • ThierryRouby
  • Nouveaux_poppys
  • Drazelrapido
  • Patty69
  • 20RueDuCirque
  • Azi_azip
  • Paoegilles
  • Patriosous

Ces 11 profils ont publié sur 13 mois pas moins de 531 000 tweets soit en moyenne plus de 120 tweets par jour et par profil, principalement pour parler de Trump, des migrants ou de Macron :

Nous avons passé ces comptes dans un outil open source qui analyse les heures de publication sur les 600 derniers tweets. Nous constatons que certains de ces comptes ont des rythmes de publication assez bizarres par rapport à la vie classique d’un être humain :

Ce dernier compte @StopMariageHomo est très intéressant puisqu’il a publié plus de 600 tweets en 29 heures en ne se reposant qu’entre 2h et 4h du matin. Il se révèle que la plupart de ses tweets sont écrits avec une application dédiée :

En filtrant sur l’usage de cette application pendant l’affaire Benalla, on remarque beaucoup de tweets de mentions autour de HdeBOnnevolonté et Damocles_Fr.

En regardant les tweets du compte Damocles_Fr, nous identifions un même nombre de retweets de la part de trois comptes :

Ces comptes tweetent toute la journée et utilisent également une application :

On peut donc dire que ces 3 profils ont de fortes probabilités d’être :

  • Automatisés ou semi-automatisés
  • Utilisés par une seule et même personne. D’ailleurs leurs panneaux d’activité sont concordants :

En outre, ils ont réalisé de l’achat de fans :

Nous concluons que ces trois comptes forment donc un réseau automatisé qui utilise la même application enregistrée sous des noms différents. Nous avons ici affaire à des gonflages artificiels de volume puisque les comptes proposent exactement les mêmes retweets.

2. Partir des différentes informations jugées fausses ou tendancieuses pour arriver à des classifications

Nous nous sommes ensuite concentrés sur les différents acteurs afin d’évaluer leur part de désinformation au vu de ces critères :

Sur base de l’ensemble de ces informations, et en regardant chacun des profils un à un, nous avons défini un degré de suspicion sur l’activité d’un utilisateur comme acteur récurrent de désinformation :

Sur cette base, nous avons la répartition suivante :

À savoir 20 % des acteurs ont une potentialité moyenne ou haute de désinformation. Par communautés, le résultat est le suivant :

Il est à noter que la proportion de comptes faiblement suspicieux est la plus forte dans le cluster 3, constitué de proches de la France Insoumise.

Sur les 683 comptes présentant “moyens” ou “hauts” dans leur degré de suspicion de désinformation, 55% d’entre eux étaient présents dans la liste des comptes qui partageaient le plus Russia Today et Sputnik. À titre de comparaison, la même répartition au sein des personnes identifiées faiblement comme acteurs de désinformation est la suivante.

Nous pouvons également constater d’autres corrélations avec les profils à suspicion moyenne et haute :

  • 50 % des profils avaient également propagé des rumeurs durant la présidentielle française. Seuls 4% des comptes avaient propagé dès les premiers instants les Macron leaks.
  • 43,6 % des personnes étant présentes dans les comptes partageant le plus Russia Today et Sputnik, et qui ont un item supplémentaire (désinformation russe, Macron Leaks, rumeurs présidentielles) sont présents dans cet échantillon de suspicion moyenne ou haute.

De même, en enlevant les critères de qualification humaine pour ne prendre que ceux qui ont partagé au moins 6 rumeurs (présidentielle ou Benalla) : (N = 464)

Force est donc de constater au vu des différents cas de désinformation que le taux de russophilie d’un écosystème est corrélé avec sa probabilité de partage de désinformation. Une corrélation n’est pas une causalité, dans le sens où l’on ne peut pas prouver qu’il y a influence étrangère ou tout autre causalité.

Par contre, cela peut constituer un bon indicateur pour identifier s’il y a davantage de probabilité que des désinformations y circulent.

IV. À propos du EU DisinfoLab

Quelle est notre démarche ?

Le EU DisinfoLab s’est créé dans la foulée des élections présidentielles américaines et françaises, quand nous avons constaté

  1. l’émergence de phénomènes d’influence qui avaient directement pour but de perturber les processus démocratiques
  2. l’absence de discussion méthodologique qui tendait à une sursimplification de problématiques complexes.

Par exemple, en 2016, nous avions analysé la proportion de bots s’exprimant sur Twitter pendant le 1er débat de la présidentielle américaine, proportion alors très faible et répartie équitablement en soutien à Donald Trump, Hillary Clinton et Bernie Sanders, à rebours de la plupart des analyses et des articles de presse*(4). Nous affirmions alors que la plupart des soutiens de Donald Trump paraissaient authentiques.

*(4) Voir https://www.politico.eu/article/inside-donald-trumps-cyborg-twitter-army-hillary-clinton-cyborgs-bots/

Le EU DisinfoLab est une association à but non lucratif (A.S.B.L) enregistrée en décembre 2017 en Belgique. Sa mission est de lutter contre la désinformation par une méthodologie innovante et un soutien scientifique à la communauté de la contre-désinformation.

V. FAQ

L’affaire Benalla est-elle un micro phénomène numérique ?

Non, ce n’est pas du tout un micro phénomène numérique. Même en enlevant la part des hyperactifs, le volume reste incommensurable par rapport aux phénomènes similaires observés antérieurement. On compte huit fois plus de tweets que pour BalanceTonPorc et deux fois plus que JeSuisCharlie.

Nous l’avions affirmé dès le début*(5), l’affaire Benalla est un véritable sujet de discussion, et non pas un phénomène monté de toutes pièces par des réseaux mal intentionnés. Notre volonté est de comprendre les phénomènes autour de ce sujet de discussion majeur sur les réseaux sociaux.

*(5) http://www.reputatiolab.com/2018/07/affaire-benalla-reseaux-sociaux-resurrection-partis-de-lopposition/

Êtes-vous réellement indépendants ?

L’indépendance c’est de pouvoir analyser en toute liberté les mécanismes qui nous semblent relever de notre mission. Cette liberté doit à la fois être opérationnelle et financière.

Financement :

Twitter : à la suite des manipulations survenues pendant la campagne américaine de 2016, et qui impliquait l’achat de publicités par Russia Today et Sputnik, Twitter s’est engagé le 26 octobre 2017*(6) à redistribuer les 1,9 millions de dollars vers des organisations luttant contre la désinformation. À ce titre, le EU DisinfoLab a reçu 125 000 $ en janvier 2018.

*(6) https://blog.twitter.com/official/en_us/topics/company/2017/Announcement-RT-and-Sputnik-Advertising.html

Open Society Foundations : dans le cadre d’un projet conçu par l’équipe du EU DisinfoLab au mois de septembre 2017, le EU DisinfoLab a reçu 25 000$ pour observer les phénomènes de désinformation pendant la campagne législative italienne de mars 2018. Le rapport de cette étude est disponible sur le site du EU DisinfoLab.

Nous ne sommes pas une agence de l’Union européenne.

Comment vérifier vos conclusions ? (Edit: 9/08/2018 18h38)

Nous mettons à disposition des journalistes accrédités et d’organismes de recherche les datasets suivants :

  • Le classement des plus actifs qui attestent du fait que 1 % des auteurs a publié 47 % des tweets
  • Le fichier avec le nombre de rumeurs par individus classés dans les plus actifs

Fidèles à notre mission, nous encourageons toute initiative de recherche qui permettrait d’approfondir notre méthodologie ou d’en développer de nouvelles.

Le EU DisinfoLab est-elle une officine d’En Marche ?

Les opinions politiques des membres du board, d’un salarié et de volontaires qui collaborent avec le EU Disinfolab n’interfèrent pas dans notre travail.

Bien évidemment, nous ne travaillons pas pour En Marche, ni pour aucun autre parti ou mouvement politique ; nous avons d’ailleurs pris des positions très dures contre le gouvernement français à l’occasion des débats sur la proposition de Loi Fake News*(7).

*(7) http://disinfo.eu/2018/06/01/01-06-2018-position-du-eu-disinfolab-sur-la-regulation-francaise/

L’affaire Benalla a-t-elle été orchestrée par la Russie et Vladimir Poutine ?

Nous n’avons jamais insinué cela. En ce qui nous concerne, nous n’avons aucune preuve et cela ne fait pas partie de notre mission.

EU DisinfoLab a-t-elle fait une publication coordonnée de son étude dans tous les médias français ?

Nous avons répondu aux sollicitations de

  • BFM le mercredi 1er août à 10h21;
  • Politico le mercredi 1er août à 14h;
  • L’opinion le jeudi 2 août à 12h57;
  • Arrêt Sur Images le jeudi 2 août à 13h42;
  • l’AFP le vendredi 3 août à 12h12.

À l’occasion de ces interviews, nous avons précisé à chaque fois :

  • que notre étude était en cours et que les résultats complets seraient publiés quelques jours plus tard;
  • que l’affaire Benalla brassait des volumes d’activité exceptionnels et légitimes;
  • que le sujet de notre étude était les comptes hyperactifs;
  • que des comptes proches de La République En Marche avait également été hyperactifs. Dans une précédente analyse publiée sur son blog personnel, Nicolas Vanderbiest, qui collabore bénévolement, a d’ailleurs évoqué Alain Grand Bernard, décrit comme un « citoyen attentif », mais vraisemblablement tenu par quelqu’un proche du mouvement LaREM.

L’étude du EU DisinfoLab a été récupérée politiquement

Nous avons constaté que plusieurs personnalités politiques ont relayé les résultats préliminaires de notre étude dans leur propre intérêt.

Disinfolab.com et EUVSDisinfo

Nous n’avons aucun lien avec DisinfoLab.com.

EUVSDisinfo est un compte Twitter géré par le service East Stratcom du Service Européen d’Action Extérieure (Commission européenne). Nous avons rencontré lors d’événements certains de leurs membres, mais n’avons aucun lien de collaboration.

Quelle est la relation entre Nicolas Vanderbiest et le EU Disinfolab ?

Les fondateurs du EU DisinfoLab se sont rencontrés suite à l’attentat de Nice du 14 juillet 2016. Le travail de Nicolas Vanderbiest via son blog reputatiolab.com sur les propagations de rumeurs pendant l’attentat ainsi que ses autres études sur les phénomènes d’influence sur les réseaux sociaux (Tel-Aviv sur Seine, Burkini, etc.) a été repéré par Gary Machado, directeur exécutif de l’association du numéro d’urgence européen. Ce travail de vérité, éclairant pour la sécurité civile, a enclenché une collaboration pour reproduire les méthodologies de Nicolas Vanderbiest au niveau européen, alors qu’elles étaient jusqu’alors limitées au domaine francophone.

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